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  • Et si nous lisions ensemble… la Bible ? (20)
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    Le Dieu libérateur (Ex 6, 6 – 11, 10).

    YHWH a entendu les appels du peuple qu’il revendique comme sien. Il charge Moïse de l’arracher au joug de l’Égypte.
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    Moïse doit obtenir de Pharaon le droit d’Israël de quitter le pays pour se rendre au désert et y honorer son Dieu. Car il ne peut être question d’honorer le Dieu unique sur la terre po­lythéiste d’Égypte, terre païenne, donc impure.
    La question se pose de savoir à qui appartient véri­tablement le peuple d’Israël : à Pharaon ou à YHWH ? Chacun le revendique comme sien. Qui l’emportera ? Commence alors une lutte entre YHWH, par l’intermé­diaire de Moïse (« Je t’établis comme dieu pour Pharaon » (Ex 7,1), et Pharaon, roi tout-puissant, qui tient à ses travailleurs asser­vis. Le processus de libération sera long et tumultueux.

    Dans une première entrevue, Moïse montre un pouvoir supérieur aux magiciens d’Égypte, bien qu’au début ils fassent montre d’une puissance égale, mais « le cœur de Pharaon reste endurci » et le restera (Ex 4, 21 ; 7, 22 ; 8, 11.15.28 ; 9, 7.12.35 ; 10, 20...).

    La puissance de Dieu se manifeste par la maîtrise des éléments, des vivants, de la lumière, des té­nèbres, de la vie, de la mort. Pharaon s’illusionne sur sa propre puissance parce qu’il est le roi le plus puissant du monde connu de Moïse.

    Alors des calamités vont s’abattre sur l’Égypte pour faire céder Pharaon devant la puissance du Sei­gneur Dieu. « Les plaies » sont des phénomènes ordinaires, fréquents, mais amplifiés ici de façon extraordinaire (c’est la dimension épique du récit). Elles marquent la toute puissance de YHWH.
    On peut constater une progression : l’élément inanimé mais qui a une importance capitale (l’eau du Nil qui est vitale pour les Egyp­tiens) ; la vermine ; la mort du bétail ; les fu­roncles qui atteignent les hommes ; la grêle qui tue bêtes et hommes. Seuls les fils d’Israël sont épargnés.

    Le récit de chaque calamité est structuré selon le rythme suivant :
    - demande insistante de libération du peuple par Moïse ;
    - annonce de la plaie ;
    - réalisation de la catastrophe ;
    - réaction de Pharaon, qui d’abord semble accepter que le peuple s’en aille et qu’il regrette par la suite. Il se reprend et refuse le départ du peuple de Dieu. Pharaon est de de plus en plus obstiné, et, pour le narrateur, il est responsable de cette obstination.

    Cette structuration du récit fait ressortir la patience de YHWH et l’obstination de Pharaon à qui est offerte la possibilité de laisser partir les Hébreux à l’amiable. Mais il se durcit de plus en plus.

    Quelque chose peut choquer dans la lectures de cette lutte de Pharaon contre YHWH. En effet plu­sieurs fois le narrateur semble rendre Dieu responsable de l’endurcissement du roi d’Égypte. Il y au­rait là une duplicité de YHWH, qui s’apparente à la Fatalité des mythologies antiques.

    Il faut cependant remarquer que la formule « J’endurcirai le cœur de Pharaon » (7,3.23) est re­prise sous les formes « Le cœur de Pharaon s’endurcit » (15,15) et « Pharaon s’obstina »(7,14 ; 8,11. 15).
    Ces trois formules caractérisent la même attitude du roi, mais sous des éclairages diffé­rents.
    La première formule insiste sur la maîtrise qu’a Dieu de l’Histoire. Certes les hommes sont libres et Dieu les a créés tels, et en ce sens ils sont responsables de leurs actes, mais Dieu profite de ces ac­teurs pour réaliser ses desseins. Ainsi, malgré sa mauvaise volonté, Pharaon laissera partir le peuple que Dieu s’est destiné.
    « S’il est dit que Dieu endurcit, c’est que la pensée sémitique ignore volontiers les causes secondes. Toutefois, endurcir ce n’est pas réprouver, c’est laisser le péché porter ses fruits de mort... De cet état, l’homme porte la pleine responsabilité. » (Xavier Léon-Dufour, Diction­naire du Nouveau Testament, p.226)

    Lorsque le narrateur parle du cœur de Pharaon, il signifie par ce terme toute la personnalité du sou­verain : la pensée, les senti­ments, les intérêts. C’est donc toute la liberté de Pharaon qui est engagée dans sa lutte contre YHWH. En réalité, il s’agit bien de Pharaon dans l’exercice de sa liberté, de toute sa personne qui s’oppose à la volonté divine.
    La série des calamités se termine de manière terrible pour les Egyptiens et pour Pharaon : la mort des fils pre­miers-nés, c’est à dire des successeurs des pères. C’est la mise en cause de la continuité des générations. Ce sera le passage de l’ange exterminateur !