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  • Un roman d’amour dans la Bible

    « Avez-vous lu Baruch ? », répétait La Fontaine à qui voulait l’entendre, enthousiasmé qu’il était par la lecture de ce « petit » prophète, que lui avait recommandée le grand Racine.

    J’ai envie de faire de même. « Avez-vous lu le livre de Ruth ? » L’auteur en est anonyme, c’est pourquoi on le désigne par le personnage principal.

    C’est une histoire au féminin. La Bible, bien souvent, s’exprime au masculin. Ici beaucoup de formes verbales sont au féminin, ce qui est dépaysant pour les hébraïsants débutants.

    La structure du texte :
    Cap 1. Odyssées tragique de la famille d’Elimelek’’. Le personnage important est ici Noémie.
    Cap 2. Hasard d’une rencontre ou plan de Noémie, ou même de Dieu ?
    Cap 3. Une nuit de noces
    Cap 4. L’ancêtre de David.

    Les noms des personnages parlent de destin : Elimelek ( mon Dieu est roi), Noémie la gracieuse), Ruth (la compagne). Les jeux de mots et de sens : rester/demeurer, connue/inconnu/reconnu, hesed.

    On peut faire de ce petit conte, une lecture « juridique » et une lecture plus « romantique ».

    La lecture historique est juridique : droit de rachat, mariage léviratique. Mais il y a aussi, donc, une belle histoire d’amour dans ce récit, une tragédie qui se transforme en conte de fée.

    Des émigrés arrivent dans le pays de Moab. Ce n’est pas le tourisme qui les fait partir de chez eux, mais le mal le plus terrible, la famine ! Ironie du sort, ils viennent d’un village qui s’appelle : « La maison du pain ! (Beth-Léhem) ». Pour un Juif, cette situation a quelque chose de dramatique : être contraint de quitter sa terre pour s’en aller dans un pays païen, qui n’a pas les même dieux, encore moins un Dieu unique ! Au moins, on ne leur refuse pas un droit de séjour. Mais les hommes de cette famille meurent les uns après les autres : le père d’abord, pilier de la structure familiale, et les deux fils dont le destin semble fixé, dès leur naissance. Ils ont nom Mahlon (maladie) et Kilyon (anéan­tissement) ! Les femmes se retrouvent seules, sans appui, dans une société patriarcale !

    Noémie assume, autant que faire se peut, ce rôle. Elle renvoie ses brus, qui n’ont plus de raison de rester avec elle, et qui , jeunes encore, peuvent refaire leur vie. Elle les recommande à la hesed (la fidélité, la solidité, l’amour) du Seigneur, le Dieu d’Israël. Mais Noémie déplore la « dureté du Seigneur » à son égard.

    Au moment de la séparation, les deux brus ont des comportements différents, lesquels ne sont pas jugés, par le rédacteur du récit. Orpa, rentre dans sa famille, puisque rien ne l’attache plus à la fa­mille de Noémie. Au contraire, Ruth s’attache aux pas de sa belle-mère. Elle manifeste une fidélité au-delà des épreuves de la vie. Les deux femmes s’en retournent à Bet-Léhem. Ce n’est pas un retour joyeux, mais amer, à telle enseigne que Noémie ne veut plus qu’on l’appelle « Noémie », mais qu’on la qualifie d’« Amère ». Il faut vivre cependant et Ruth propose à sa belle-mère d’aller glaner, seul moyen d’assurer sa subsistance, quand on n’est pas propriétaire ou ouvrier agricole.

    Et là, le destin (ou YHWH ; sûrement, lui, d’ailleurs) joue sa carte. Ruth (par hasard ?) va glaner dans un champ qui appartient à un certain Booz, parent de Noémie. Le notable la remarque et, non seulement s’informe, mais donne des ordres pour que toutes choses lui soient facilitées.

    Une nuit l’amour a le dessus. C’est une nuit d’amour, racontée en termes fort pudiques. « L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle. »2 Ici le senti­ment précède le juridique.

    Un problème juridique vient troubler la bluette. Un homme autre que Booz a le droit et même le devoir de relever la famille d’Elimek, en épousant Ruth et lui donnant un fils, continuateur de la lignée. C’est la loi du lévirat. Cependant, l’homme abandonne parce qu’il estime cette obligation morale contraire à ses intérêts. Booz prend la relève et épouse Ruth. De cette union naîtra un enfant, un fils.

    La chute du récit : l’enfant, Oved (serviteur de Dieu ), est l’ancêtre de David, le grand roi !

    Cette belle histoire a aussi une dimension théologique importante, qui ne gomme pas l’aspect litté­raire mais s’appuie sur lui. La hesed de Ruth est ajustée à la hesed de YHWH, qui est première.

    L’amour de Dieu s’étend à tous les hommes.

    Alain