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  • # 60 du 10 septembre 2023 à télécharger

    Un courrier mensuel,
    le 10 de chaque mois
    André TALBOT
    le 10 septembre 2023
    Dossier d’information : Éthique sociale en Église N° 60
    + En écho à l’actualité, quelques réflexions, pour préciser des enjeux de vie et cultiver l’espérance.

    # DIÈSE  : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique.

    Propos offerts pour être partagés.

    Les alertes apparues durant l’été deviennent des crises à la rentrée. Les réflexions proposées avec DIÈSE du mois d’août appellent quelques approfondissements en raison de l’actualité : des associations compétentes et solides ne peuvent plus faire face aux besoins sociaux élémentaires ; des solutions d’urgence sont envisagées, mais la question d’une réelle solidarité avec les plus fragiles d’entre nous demeure impérative. On reproche à certains de manquer à leurs devoirs envers la communauté nationale, mais celle-ci maintient une part de ses membres dans des conditions de vie indignes : arrêtons les hypocrisies, notre responsabilité sociale et politique se trouve bien engagée.

    1– Aide alimentaire (suite) : que devient la solidarité ?

    ° Plusieurs associations, dont les resto du cœurs et la Croix rouge, viennent de tirer la sonnette d’alarme : soit elles refusent d’accueillir des personnes et des familles qui ne peuvent par elles-mêmes se nourrir correctement, soit elles diminuent la quantité de produits pour chacune. Les causes sont connues : la forte augmentation des prix de l’énergie et de la nourriture, la tension sur les revenus qui impacte l’ampleur des dons. La guerre en Ukraine joue un rôle important sur ces déséquilibres, ce qui nous rappelle que la justice et la paix doivent marcher la main dans la main.

    ° Il faut cependant redire avec force que dans un pays riche (la France), des gens ont faim, et on en vient à considérer cette situation comme normale ! Le nombre des enfants qui viennent de faire la rentrée scolaire mais qui dorment dans la rue continue d’augmenter.

    ° Heureusement, la générosité des citoyens et un engagement bénévole impressionnant apportent des solutions, au moins partielles, à ces dénis de justice sociale. La parole officielle oublie souvent d’honorer ces acteurs de premier plan de la vie citoyenne ; parfois les pouvoirs publics restreignent l’action des associations qui viennent en aide, par exemple aux migrants ; à plusieurs reprises le Secours Catholique a mis en cause des blocages de ses activités. Soulignons que l’aide n’est pas seulement matérielle, elle s’accompagne de relations humaines stimulantes. Cette dimension de générosité, de gratuité, d’humanité partagée est essentielle pour la vie commune, sinon il faudrait rayer le mot fraternité sur nos monuments publics.

    ° Le cri de détresse des associations a provoqué des promesses de don importantes. Tant mieux dans l’immédiat. L’argent ne manque donc pas dans notre société, mais on doit s’interroger sur l’affectation des ressources quand plusieurs millions de nos concitoyens n’ont pas accès aux biens les plus élémentaires. C’est une question politique, au sens noble du terme, qui mérite mieux que des postures électoralistes.

    ° Le problème ne se pose pas seulement à l’échelle de notre pays. Les mêmes causes produisent les mêmes effets à l’échelle internationale : le CCFD Terre solidaire note, à partir des données de la FAO, qu’1/3 de la population mondiale se trouve en insécurité alimentaire ; les remous politiques qui affectent des pays pauvres, sur fond de violences, ont souvent à voir avec l’impossibilité d’accéder aux biens vitaux. La justice sociale doit être pensée aussi à l’échelle mondiale, c’est une condition nécessaire pour la paix.

    2– Religions et vie commune

    ° La référence religieuse peut être utilisée pour asseoir une autorité politique en lui donnant une aura sacrale : le critère religieux devient alors un élément central de discrimination à l’égard de certaines parties de la population. Nous en avons un exemple caricatural en Afghanistan, avec l’exclusion des femmes de la vie publique et l’interdiction de scolariser les filles ; ce qui cause des souffrances majeures et prive la société des apports positifs de certains de ses membres.

    Le pays le plus peuplé de notre monde, l’Inde, n’est pas exempt de ces discriminations à la fois religieuses et socio-ethniques, au détriment des musulmans mais aussi des chrétiens. Comme il s’agit d’un marché important, on préfère fermer les yeux !
    Un autre pays proche du précédent, né d’une scission, le Pakistan, discrimine aussi largement les hindous et les chrétiens. Le fanatisme religieux légitimant des violences. (On peut consulter à ce sujet la Lettre de Justice et Paix du mois de septembre.)

    ° Des mots reviennent dans ces discours qui appellent à la haine et à la violence. Les groupes ethniques et religieux minoritaires sont considérés comme « impurs  », ce qui légitime la discrimination, voire l’éradication. On sait combien le mythe de la pureté de la race a provoqué de crimes, demeurons donc vigilants quand il réapparaît subrepticement dans les débats politiques. Le mot « blasphème  » (ce qui outrage le divin) se trouve plus d’une fois brandi pour légitimer des violences, tandis que d’autres revendiquent le « droit au blasphème » et le manifestent par exemple en brûlant le Coran. Un mot valise qui, par son imprécision, nourrit les tensions au lieu d’ouvrir au débat. Quant aux chrétiens, ils se souviennent que Jésus a été condamné à mort notamment pour cause de blasphème, il vaut mieux alors être prudent dans l’usage de ce terme !

    ° Au risque de passer pour un « bisounours », ce qui pour certains équivaut à la disqualification suprême, il vaut mieux promouvoir et pratiquer le respect mutuel, le goût de la rencontre, de l’échange et du débat contradictoire. Ce qui suppose que l’on résiste aux attitudes de mépris qui cherchent à humilier l’adversaire, aux actes violents qui se parent d’un sacré religieux ou laïque.

    3- Se lamenter ou innover ?

    À partir des années 1990 régnait un climat euphorique avec la fin de la guerre froide et une mondialisation heureuse sous le signe du doux commerce. On peut parler de naïvetés face aux nouvelles dominations : une finance sans frontière ne rêvant que de profits, faisant bon ménage avec des pouvoirs autoritaires. Aujourd’hui, le temps est plutôt à la peur (climat, guerres, pauvretés…) au risque de la paralysie. Mais il y a aussi des ferments de créativité tant en économie que dans la vie sociale. Associons donc lucidité critique et ouverture à l’avenir pour formuler des projets politiques cultivant le goût de vivre ensemble au sein de la famille humaine !

    4- De la culture du déchet à la culture du soin !

    Dans le cadre de Justice et Paix France, Dominique Coatanéa et André Talbot conduisent un travail sur ce thème. Selon le pape François, la « culture du déchet » concerne les biens matériels, mais aussi des humains laissés en marge de la vie commune.
    Une soirée permettra de faire le point sur l’avancée des travaux, avec le témoignage d’acteurs de terrain qui promeuvent des alternatives positives face à ce défi.
    Vendredi 6 octobre, de 18h à 19h45, Maison Saint-Hilaire, 36 Bd Anatole France, Poitiers.

    Et rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE