• Logo
  • Les listes des noms dans la Bible

    « Jésus, à ses débuts, avait environ trente ans. Il était fils, croyait-on, de Joseph, fils de Héli, fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Melchi, fils de Iannaï, fils de Joseph, fils de Mattathias, fils d’Amôs, fils de Naoum, fils de Hesli, fils de Naggaï, fils de Maath, fils de Mattathias, fils de Semein, fils de Iôsech, fils de Iôda, fils de Iôanân, fils de Résa, fils de Zorobabel, fils de Salathiel, fils de Néri, fils de Melchi, fils d’Addi, fils de Kôsam, fils d’Elmadam, fils d’Er, fils de Jésus, fils d’Elièser, fils de Iôrim, fils de Matthat, fils de Lévi, fils de Syméôn, fils de Juda, fils de Joseph, fils de Iônam, fils d’Eliakim, fils de Méléa, fils de Menna, fils de Mattatha, fils de Natham, fils de David, fils de Jessé, fils de Iôbed, fils de Booz, fils de Sala, fils de Naassôn, fils d’Aminadab, fils d’Admîn, fils d’Arni, fils d’Esrom, fils de Pharès, fils de Juda, fils de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham, fils de Thara, fils de Nachôr, fils de Sérouch, fils de Ragau, fils de Phalek, fils d’Eber, fils de Sala, fils de Kaïnam, fils d’Arphaxad, fils de Sem, fils de Noé, fils de Lamek, fils de Mathousala, fils de Hénoch, fils de Iaret, fils de Maléléel, fils de Kaïnam, fils d’Enôs, fils de Seth, fils d’Adam, fils de Dieu. » (Lc 3, 23-38).

    Michel s’interroge sur le sens des listes de noms dans la Bible. On en trouve, en effet, un certain nombre, dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau Testament.

    On ne peut tout dire dans une simple rubrique. Nous focaliserons notre réflexion surtout sur les généalogies. Trois remarques méthodologiques s’imposent d’abord :

    - Une liste n’est jamais purement généalogique, n’est jamais une pure succession de noms. Elle signifie toujours autre chose. On peut se demander pourquoi d’ailleurs on fait de la généalogie. D’autant qu’au départ on se trouve devant une liste de noms et des dates. Ces listes ne parlent pas, la plupart du temps, au lecteur moderne, parce qu’il n’identifie pas les personnages. Les historiens eux-mêmes se perdent souvent en conjectures. Ces listes doivent se resituer dans leur contexte, car elles ne fonctionnent pas pour elles-mêmes.

    - Il importe de ne pas oublier que ces listes font partie intégrante de la Parole de Dieu, de la Révélation. Nous ne pouvons donc pas les éliminer purement et simplement parce qu’elles sont parfois terriblement ennuyeuses (parcourez pour cela le début du premier livre des Chroniques).

    - A nous de les prendre en charge et de tenter de leur donner signification dans le message. Nous sommes invités à nous situer dans une trame historique. Car faire des généalogies c’est du même coup situer les personnages dans le temps, même si nous ne le maîtrisons pas.

    Prenons quelques exemples dans l’Ancien Testament.

    La première liste généalogique que nous trouvons dans la Bible couvre le cap. 5 de la Gn. Elle résume toutes les « générations » depuis Adam jusqu’au fils de Noé. Gn 10. « Voici les générations des fils de Noé ».
    Il s’agit ici de la génération de tous les peuples. La généalogie de Gn 46, 8-27, fait le bilan des premiers temps de l’histoire d’Israël, et de l’histoire du salut. Elle situe les patriarches dans le temps. Ex 1, 1-5a va reprendre le flambeau pour montrer cette fois qu’il y a continuité entre les premiers temps (lorsque Dieu parlait à Adam, Noé et Abraham) et les débuts de l’ère historique avec le grand législateur qu’est Moïse. 1Chr 1-3 va d’Adam à Abraham, et d’Abraham aux rois David et Salomon. Rt 4, 18-22 nous donne l’origine du grand roi David : « Voici les générations de Pèrèç… »

    Dans le Nouveau Testament nous trouvons deux généalogies de Jésus :

    - Mt 1, 1-16 (d’Abraham à Joseph, père légal de Jésus),

    - Lc 3, 23-38 (de Jésus à Adam par Marie).

    Elles sont fort différentes ce qui peut sembler étonnant au plan de la « vérité historique ». En effet un individu ne peut avoir deux origines différentes, c’est à dire deux pères ou deux grands-pères paternels. Cela nous renvoie au message que portent ces généalogies. Mt nous parle de la « genèse » (c’est le mot grec utilisé par l’évangéliste) de Jésus par deux fois : au tout début de son évangile, Mt 1,1 (généalogie), Mt 1, 18, (origine historique). La généalogie situe Jésus dans le peuple de l’Alliance. Chez Lc, la généalogie n’intervient qu’après l’Evangile de l’enfance de Jésus, juste après son baptême, au début de sa vie « publique ». La généalogie situe Jésus dans l’humanité, débordant les limites du peuple d’Israël.

    De toutes ces listes nous pouvons tirer quelques conclusions :

    - Tous les hommes naissent d’une génération. Au fond nous sommes tous fils d’un même père humain : Abraham.

    - Tous les hommes sont solidaires à la fois dans le péché, la bénédiction, et l’histoire du salut.

    - Les généalogies marquent une légitimité et une autorité naturelles. Normalement, c’est le fils aîné qui hérite de l’autorité de son père et de ses biens. C’est le signe de la bénédiction divine.

    Cependant la logique générationnelle est parfois malmenée.

    - A l’origine : Adam doit son existence à Dieu.

    - Lorsqu’il y a rupture de génération pour cause de stérilité. Sarah, la femme d’Abraham est stérile, de même qu’Elizabeth, la Mère de Jean-Baptiste. Dieu cependant leur donnera une descendance, car « rien n’est impossible à Dieu » (Gn 18,14 ; Lc 1, 37). La rupture de généalogie naturelle sollicite souvent l’intervention divine pour renouer avec l’histoire du salut : Abraham dans l’Ancien Testament, Zacharie dans le Nouveau Testament.

    - Lorsque Dieu décide d’agir autrement. Jacob est béni par son père et hérite du droit d’ainesse, alors que son aîné Esaü est délaissé par Dieu (Gn 27, 1-40). Moïse, voué à la mort, sauvé par la fille de Pharaon (Ex 2). David est choisi par Dieu au lieu du frère aîné (1S 16, 1-13).

    Peut-être ces remarques permettront-elles à Michel de ne pas passer trop vite par-dessus ces longues listes qui, pour monotones qu’elles soient, sont porteuses de significations.

    Alain.