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  • La Bible, une histoire d’eau

    Au fond du puits, la Vérité ? Les puits dans la Bible

    Après avoir évoqué l’histoire de l’eau dans la Bible, en particulier dans l’Ancien Testament. Nous y revenons en focalisant notre regard sur « Les puits dans la Bible ». Nous proposons d’abord quatre textes où il se passe des choses importantes autour du puits. Nous recommandons aux lecteurs qui le peuvent de lire l’intégralité des chapitres d’où sont extraits ces passages. Puis nous essayerons d’en découvrir toute la portée symbolique (l’eau vive, la femme, la vie…). Par la suite, comme nous l’avons annoncé, nous reparlerons de l’eau dans le Nouveau Testament.

    Une femme pour Isaac (Gn 24, 15-21)

    15 Or, il n’avait pas fini de parler que Rébecca-elle était la fille de Betouël fils de Milka, elle-même femme de Nahor, le frère d’Abraham - sortit avec une cruche sur l’épaule. 16 La jeune fille était très charmante à voir ; elle était vierge et nul homme ne l’avait connue. Elle descendit vers la source, remplit sa cruche et remonta. 17 Le serviteur courut à sa rencontre et dit : " De grâce, donne-moi à boire une gorgée d’eau de ta cruche. " - 18 " Bois, mon seigneur " , répondit-elle et, de la main, elle abaissa la cruche au plus vite pour le désaltérer. 19 Quand elle eut fini de le faire boire, elle dit : " Pour tes chameaux aussi j’irai puiser jusqu’à ce qu’ils aient bu à leur soif. " 20 Elle s’empressa de vider la cruche dans l’abreuvoir et courut de nouveau chercher de l’eau au puits ; elle puisa pour tous les chameaux. 21 Cet homme la suivait des yeux, silencieux, pour savoir si oui ou non le SEIGNEUR avait fait réussir son voyage.

    Jacob va prendre femme chez son oncle Laban (Gn 29, 1-14)

    1 Jacob se mit en marche et partit pour le pays des fils de Qèdèm. 2 Il regarda, et voici qu’il y avait un puits dans la campagne. Il y avait là trois troupeaux de moutons, couchés près du puits car les troupeaux s’y abreuvaient. Une grande pierre fermait l’orifice du puits. 3 Quand tous les troupeaux y étaient rassemblés, on roulait la pierre de dessus l’orifice du puits, on faisait boire le petit bétail et l’on remettait la pierre en place sur l’orifice du puits. 4 Jacob dit aux gens : " Mes frères, d’où êtes-vous ? " - " Nous sommes de Harrân " , répondirent-ils. 5 Il leur dit : " Connaissez-vous Laban, fils de Nahor ? " - " Nous le connaissons " , répondirent-ils. 6 Il leur dit : " Va-t-il bien ? " - " Il va bien, répondirent-ils, voici sa fille Rachel qui arrive avec les moutons. " 7 Il reprit : " Voyez ! il fait encore grand jour ; ce n’est pas le moment de rassembler le bétail. Faites boire les moutons et allez les faire paître. " 8 Ils répondirent : " Nous ne le pouvons pas tant que les troupeaux ne sont pas tous rassemblés ; alors on roule la pierre de dessus l’orifice du puits et nous abreuvons les moutons. " 9 Il parlait encore avec eux lorsque Rachel arriva avec les moutons qui appartenaient à son père, car elle était bergère. 10 Dès que Jacob vit Rachel, la fille de Laban frère de sa mère, et les moutons de Laban frère de sa mère, il s’avança, roula la pierre de dessus l’orifice du puits et fit boire les moutons de Laban, frère de sa mère. 11 Jacob embrassa Rachel, il éleva la voix et pleura. 12 Jacob apprit à Rachel qu’il était le parent de son père et le fils de Rébecca. Elle courut en informer son père. 13 Dès que Laban entendit parler de Jacob, fils de sa soeur, il courut à sa rencontre. Il l’étreignit, l’embrassa, l’amena chez lui ; Jacob lui raconta toute l’affaire. 14 Laban lui dit : " Tu es sûrement mes os et ma chair " , et Jacob habita pendant un mois avec lui.

    Moïse fuyant l’Egypte se marie au pays de Madian (Ex 16, 22)

    16 Le prêtre de Madian avait sept filles. Elles vinrent puiser et remplir les auges pour abreuver le troupeau de leur père. 17 Les bergers vinrent les chasser. Alors Moïse se leva pour les secourir et il abreuva leur troupeau. 18 Elles revinrent près de Réouël, leur père, qui leur dit : " Pourquoi êtes-vous revenues si tôt, aujourd’hui ? " 19 Elles dirent : " Un Égyptien nous a délivrées de la main des bergers ; c’est même lui qui a puisé pour nous et qui a abreuvé le troupeau ! " 20 Il dit à ses filles : " Mais, où est-il ? Pourquoi avez-vous laissé là cet homme ? Appelez-le ! Qu’il mange ! " 21 Et Moïse accepta de s’établir près de cet homme, qui lui donna Cippora, sa fille. 22 Elle enfanta un fils ; il lui donna le nom de Guershôm - Émigré-là, " car, dit-il : Je suis devenu un émigré en terre étrangère ! "

    Jésus et la samaritaine au puits de Sychar (Jn, 4, 5-14)

    5]C’est ainsi qu’il parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph, 6 là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C’était environ la sixième heure. 7 Arrive une femme de Samarie pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : " Donne-moi à boire. " 8 Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. 9 Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : " Comment ? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine ! " Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. 10 " Jésus lui répondit : " Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : "Donne-moi à boire ", c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. " 11 La femme lui dit : " Seigneur, tu n’as pas même un seau et le puits est profond ; d’où la tiens-tu donc, cette eau vive ? 12 Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ? " 13 Jésus lui répondit : " Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. "


    Le Puits dans la Bible

    Commentaires

    Prenons maintenant le temps de la réflexion sur ces histoires de puits. Dans un passé encore récent, le puits avait une grande importance : il influait sur la répartition de l’habitat dans la mesure où on pouvait ou non trouver de l’eau facilement. C’était le plus souvent le travail de la femme d’aller chercher l’eau au puits, travail pénible et quotidien, mais aussi occasion de rencontres. Le puits avait pour ainsi dire un rôle social.

    Le problème de l’eau dans le monde et en particulier dans les pays du Tiers-Monde, reste un des problèmes majeurs de notre temps. Cette simple évocation nous renvoie à la Bible, témoin d’une histoire qui s’inscrit dans l’humain le plus concret, au ras du sol… et même en-dessous, puisqu’il s’agit de puits ! Rappelons que ces récits ne sont pas des reportages journalistiques. Pour autant, ils prennent un caractère d’humanité qui sonne juste. Ces personnages sont bien de la même pâte humaine que nous !

    Nous parlerons d’abord des trois textes de l’Ancien Testament pour en voir les points communs et les différences. Puis nous essayerons de découvrir les rapprochements et les différences, ou, pour mieux dire, la différence, entre ces récits et celui de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine au puits de Sychar.

    Les trois récits de l’Ancien Testament

    Les ressemblances

    Dans les trois récits, nous sommes dans un monde de bergers avec leurs troupeaux . Ces rencontres auprès d’un puits comportent un certain nombre de « personnages » communs. L’homme (en tant que masculin) étranger passe presque par hasard, mais ce hasard est comme la trace de la main invisible de Dieu qui semble diriger les événements pour faire advenir un mariage. Cette main de Dieu met sur la route de l’étranger une bergère pour qu’elle devienne porteuse de la vie. Enfin il y a l’incontournable patriarche qui décide de l’avenir de ses filles. Pour Rébecca, c’est son frère Laban qui joue ce rôle.

    Le lieu lui-même est chargé de symboles ; l’eau du puits est porteuse de vie et de fécondité pour les troupeaux. Symbole de fécondité aussi pour les humains : le serviteur d’Abraham y rencontre Rébecca qui deviendra la femme d’Isaac, Jacob tombe amoureux fou de Rachel qu’il épousera après bien des difficultés ; Moïse recevra comme femme Siphora, une des sept filles du prêtre Réouel qu’il a défendues contre des bergers.

    Les différences

    Malgré un fond commun, ces récits sont bien différents les uns des autres. Dans le premier, Rébecca est seule et réalise point par point ce que demande la prière du serviteur d’Abraham ; l’auteur nous montre quasiment en direct l’action de Dieu : tout semble se dérouler comme il l’a prévu, même si, dans la suite du récit, on demandera, presque pour la forme, à Rébecca si elle accepte de devenir la femme d’Isaac.

    Dans le second récit, les bergers s’entendent pour que tous les troupeaux soient réunis pour ouvrir le puits, et la bergère qui se présente se trouve par hasard (quel hasard !) celle qui deviendra la femme préférée de Jacob. Cependant, déjà, Rachel, désignée comme cadette, porte en germe une partie du drame futur de Jacob (ses démêlés avec son futur beau-père Laban). On sent l’action de Dieu, mais elle est plus voilée et se déroule dans une histoire humaine plus vraisemblable.

    Dans le récit dont Moïse est le héros, au contraire, les bergers font des misères aux filles de Réouel ; prêtre de Madiân. Moïse apparaît déjà comme le défenseur, le libérateur qu’il deviendra pour son peuple, au nom de Dieu. Son mariage avec l’une des bergères est secondaire par rapport à sa propre histoire. Sa descendance n’aura pratiquement pas d’importance dans la suite de son histoire, ce qui n’est pas le cas pour les deux autres récits.

    Dans ces récits, nous sommes loin des cultes de fécondité si importants dans le Proche Orient ancien. En définitive, Le puits n’est qu’un élément matériel, laissant deviner celui qui, seul, est maître de la vie : le Seigneur Dieu.

    Jésus et la Samaritaine au puits de Sychar

    Ce récit s’enracine bien dans la tradition biblique : ! Le cadre semble le même : on est auprès d’un puits ; même impression d’une rencontre apparemment fortuite, mais en réalité dirigée par Dieu ; même rencontre homme-femme ; même focalisation sur l’eau symbole de vie. Il y est même question de mariage : la Samaritaine a eu cinq maris. Cependant, le contenu est différent.

    Dans ces textes de l’Ancien Testament, Dieu intervient par personnes interposées. Ici, c’est Dieu lui-même qui intervient en la personne de Jésus. Une phrase fait tout basculer : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : "Donne-moi à boire ", c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. »

    Jésus, source de l’eau vive

    C’est vraiment la personne de Jésus qui est au centre du récit. Il se désigne lui-même comme source de la vie. Mais cette eau porteuse de vie qu’il se propose de donner, c’est bien autre chose que cette eau matérielle qu’il faut sans cesse revenir puiser. Il s’agit de la vie même de Dieu, que lui, Jésus, cet homme fatigué et assoiffé, est seul à pouvoir donner. Comme tout se tien t dans l’évangile de Jean, le lecteur averti pensera tout de suite à la mort de Jésus et au coup de lance qui fera sortir de son côté du sang et de l’eau : la croix symbole de mort devient, de façon définitive, symbole de vie.

    Source de vie au cœur du croyant

    Jésus va plus loin : « L’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » Il va faire en sorte que chaque croyant porte en lui la source même de la vie, suivant la parole tirée du livre des proverbes (Pr 5, 15) : « Bois l’eau de ta propre citerne, l’eau jaillissante de ton propre puits. » L’évangéliste, manifestement, parle du baptême. Quand nous avons été baptisés au nom de Jésus Christ, Dieu a creusé en nous la source même du salut.

    On peut dire en conclusion que Jésus réalise, par sa personne et toute sa vie, la promesse du prophète Jérémie (31, 33) :

    «  Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là,
    oracle du Seigneur :
    je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ;
    je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi.
     »

    Joseph CHESSERON