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  • Homélie du 22 septembre 2024, messe de rentrée de la Paroisse St-Pierre-St-Paul de NIORT

    Homélie du 22 septembre à St-Hilaire, Messe de rentrée de la Paroisse St-Pierre-St-Paul de NIORT

    C’est la rentrée

    Nous faisons notre rentrée paroissiale.
    Et moi en plus, je fais ma rentrée post-jubilaire.

    Rendons nous disponibles vous et moi : disponible à Dieu : « tout ce que nous faisons, c’est toi qui l’accomplis » Je le crois, c’est vrai : c’est lui l’acteur incognito de notre rentrée.

    1 -
    C’est un enfant qui nous dit aujourd’hui dans quelles dispositions nous devons envisager cette rentrée

    Quel épisode étrange que l’Évangile de ce jour :
    Jésus s’est entretenu avec ses disciples, de la passion et de la mort qui l’attendent à Jérusalem, donc une destinée d’humilité et de fragilité absolue en notre faveur et entre les mains de son Père.

    Et voilà qu’en chemin ces grands « dadais » de disciples se chamaillent pour savoir lequel d’entre eux serait le plus grand. Ils sont à mille années lumières des intentions de Jésus. Quelle tristesse ! C’était bien de grandeur qu’alors il s’agissait !

    Pour le leur faire savoir, Jésus fait venir un enfant qu’il place au milieu d‘eux et qu’il embrasse.

    L’enfant, dans la représentation que s’en font les gens de cette époque et dans la culture biblique, c’est « quelqu’un qui représente les personnes insignifiantes dans la communauté ». Pas forcément l’innocence : gardons au vocabulaire de l’Évangile toute sa rudesse, son insolence par rapport à nos beaux langages sur nos beaux enfants.

    Eh bien il est heureux que cet enfant soit mis au centre de nos réflexions pour cette rentrée : nous serons cette année durant, des servantes et des serviteurs insignifiants, « inutiles », nous dit un autre passage de l’Évangile. La tentation étant grande de s’enorgueillir de nos belles actions, y compris pastorales.

    2 –
    Qu’allons-nous faire maintenant ? Bien sûr, annoncer l’Évangile, l’Évangile du Royaume de Dieu enseigné par Jésus.

    Le but de notre action pastorale ne pose aucun problème, il est indiscutable : annoncer l’Évangile.

    Voyons plutôt la manière d’annoncer l’Évangile.

    3 –
    Il a été beaucoup réfléchi ces dernières années sur les manières d’annoncer la Parole (évangélisation) et nous devons je crois nous soumettre à ces réflexions, et s’il le fallait convertir nos manières.

    Le pape Paul VI dans un écrit fameux écrit : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. « LÉglise se fait parole, l’Église se fait message, l’Église se fait conversation ». Conversation ! Voilà la manière, la bonne manière.

    Manière reprise au dernier Concile, avec le même vocabulaire, non pas appliqué à l’Église, mais à Dieu lui-même : « Dans cette révélation, le Dieu invisible s’adresse aux hommes comme à des amis. Il s’entretient (conversatur) avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie (Dei Verbum).

    Au passage, remarquons que selon l’étymologie, l’homélie des prêtres et des diacres, (omyloun : homélier), est une conversation, un échange sur le vif.

    4 –
    Continuons d’approfondir maintenant cette manière d’évangéliser avec le grand Saint Augustin. Ce qu’il dit de la prédication des prêtres, vaut pour toute action d’annonce de l’Évangile, pour tout acteur de l’Évangile. Je le dirai tout à l’heure.

    N.B. L’homélie est dit-on, « le purgatoire des prêtres ! » dont la pénitence au purgatoire consistera à réécouter tous les sermons qu’ils ont infligés à leurs paroissiens. Ce qui est étrange, c’est que les prêtres aiment prêcher : je n’en ai jamais rencontré un seul qui se soit plaint de devoir prêcher ? Ceci dit, ils n’étaient pas dupes – moi le premier – de la faiblesse et de l’indigence de leurs homélies : mais c’est un autre problème : nous aimons prêcher. (C’était une parenthèse, qui peut être pardonnée un jour de jubilé !)

    Saint Augustin dit que toute bonne prédication - cette prédication qui est, dit-on, « le purgatoire des prêtres », dont la punition consisterait à réécouter les homélies que des années durant ils ont infligées à leurs paroissiens !!! - doit satisfaire trois objectifs : enseigner, plaire, toucher (docere, delectare, flectere).

    Une prédication doit plaire. Elle le sera si elle rejoint la vie des gens, les questions de vie qu’ils se posent, elle doit transformer une parole qu’on lit en une parole qu’on vit, une parole qui prenne chair dans nos vies. Elle ne doit pas être barbante !

    Elle doit enseigner. Car l’intelligence est très sollicitée dans notre acte de foi : il ne faudrait pas que la foi fasse injure à ce qu’est un homme libre de ses actes et de ses pensées. Il s’agit d’éveiller et de nourrir le désir de savoir (fides quaerens intellectum).

    Et ne pas en rester comme dit le proverbe à « la foi du charbonnier ». On prête à sainte Bernadette cette pensée : « La foi du charbonnier pour tout autre que le charbonnier, quelle insulte ! » Un jeune, un étudiant doit être au fait de sa foi, il doit comprendre ce qu’il croit, du moins apprendre à penser que c’est intelligent, même si Dieu nous dépasse. L’homélie ne doit pas être creuse !

    Elle doit toucher (émouvoir). Par-dessus tout, la finalité d’une homélie, c’est la conversion des fidèles. Il ne suffit pas de plaire ni d’instruire, il faut toucher les cœurs. Émouvoir non pas en exhortant de façon intempestive – les missions d’autrefois -, mais en faisant voir que la Parole de Dieu est belle, est grande, plus qu’humaine, transcendante, capable de renverser l’histoire des hommes, la nôtre, celle de nos communautés de vie.

    Ce qui donc peut fléchir un cœur (l’émouvoir, le faire craquer) c’est la Grandeur de Dieu, la beauté de Jésus-Christ et des choses de la foi en général : ses Écritures sublimes, sa théologie, ses saints, ses grands héros, l’ardeur à croire, la joie des fidèles etc.

    Provoquer cette « flection », cette « génuflexion » devant la grandeur et la beauté de Dieu et de son Serviteur Jésus. L’homélie ne doit pas être froide.

    Voilà notre manière d’évangélisation toute tracée en ce jour de rentrée. Si je vous rapporte ces propos d’Augustin sur les prêtres, en fait cela vaut pour chacune et chacun de nous en position d’annonce de l’Évangile. Je pense aux jeunes parents dans leur tâche d’éducation profane et religieuse. Ils doivent enseigner, certes, mais pas sans plaire, plaire et enseigner, mais pas sans toucher. Cela peut convenir à un enseignant, à un professionnel, à un politique ! Je pense encore au rôle indirect des grands-parents chrétiens à l’égard de leurs petits-enfants… Beaucoup de choses se passent dans nos relations avec le monde ! Du direct, de l’indirect, du silence, de la prise de parole… Il faut tour à tour plaire, instruire, toucher. Voilà « la manière » de la Parole.

    4 –
    Je n’oublie pas pour finir que notre messe de rentrée devait être célébrée dans un stade. Si cela avait été le cas, j’aurais fait écho à l’apôtre Paul, un des deux saints patrons de notre paroisse. Il parle de la « course de la parole » pour évoquer sa démarche missionnaire d’évangélisateur. Je ne sais s’il était sportif, mais Il a connu les jeux olympiques, lui citoyen de Tarse, ville hellénistique, et il y avait des stades dans la ville !

    « Ne savez-vous pas que les coureurs dans le stade, courent tous mais qu’un seul gagne le prix ? Courez donc de manière à le remporter ».

    Et puis il dit que les athlètes « s’imposent une ascèse » (ICo 9,24-26).

    Et encore : « J’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (2Thess 3,1). « Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi ».

    J’applique : à moi dans ma période post jubilaire, à moi et à vous dans cette année pastorale paroissiale, de nous inscrire pour l’épreuve (non olympique et sans médaille) de la course de la Parole.

    P. Jacques BRÉCHOIRE