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  • La Mer de Galilée dans Marc

    Dans la présentation qui a été faite de l’Evangile selon Marc, nous avons vu que les lieux nommés avaient avant tout une signification symbolique. La Mer de Galilée était donnée comme exemple. Voyons cela plus en détail, à travers ces deux passages de la ‘Tempête apaisée’ et de la ‘Marche de Jésus sur la mer ‘.

    La tempête apaisée (Mc 4, 35-41)

    35 Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : " Passons sur l’autre rive. " 36 Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d’autres barques avec lui. 37 Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait. 38 Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : " Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? " 39 Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : " Silence ! Tais-toi ! " Le vent tomba, et il se fit un grand calme. 40 Jésus leur dit : " Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? " 41 Ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : " Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? "

    Jésus marche sur la mer (Mc 6, 45-52)

    45 Aussitôt, Jésus obligea ses disciples à remonter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïda, pendant que lui-même renvoyait la foule. 46 Après l’avoir congédiée, il partit dans la montagne pour prier. 47 Le soir venu, la barque était au milieu de la mer, et lui, seul, à terre. 48 Voyant qu’ils se battaient à ramer contre le vent qui leur était contraire, vers la fin de la nuit, il vient vers eux en marchant sur la mer, et il allait les dépasser. 49 En le voyant marcher sur la mer, ils crurent que c’était un fantôme et ils poussèrent des cris. 50 Car ils le virent tous et ils furent affolés. Mais lui aussitôt leur parla ; il leur dit : " Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur. " 51 Il monta auprès d’eux dans la barque, et le vent tomba. Ils étaient extrêmement bouleversés. 52 En effet, ils n’avaient rien compris à l’affaire des pains, leur cœur était endurci.

    Dans notre mentalité moderne, ce genre de récits de miracles ne passe pas très bien, même si les médias sont souvent à la recherche de faits relevant de l’irrationnel.

    Pourquoi l’évangéliste nous raconte-t-il ces deux histoires ? Qu’a-t-il l’intention de nous dire ? Est-ce seulement que Jésus est une sorte de magicien capable d’apaiser la tempête et de marcher sur la mer ? Evidemment pas !Ces récits ont d’abord une portée symbolique, au sens fort du terme : ils disent plus que les faits racontés. L’évangéliste ne veut pas écrire une vie de Jésus comme le ferait un biographe moderne. A travers des événements et des paroles rapportées par la Tradition, il veut donner à ses lecteurs le sens de cette vie. Tout s’éclaire à la lumière du Crucifié – Ressuscité.

    La tempête apaisée

    Pour ces terriens que sont les Hébreux, la mer est le lieu de tous les dangers. Elle symbolise les forces du Mal. Les disciples sont amenés à les affronter, dans la nuit, leur moment privilégié pour le déploiement de ces forces du Mal. Que signifie le ‘sommeil’ de Jésus ? Dans l’Ecriture, le sommeil est une façon de désigner la mort. Cet épisode est, pour le lecteur, comme une annonce de la Passion. Les disciples sont en plein désarroi, comme ils le seront en s’enfuyant au moment de l’arrestation de Jésus.

    Au sommeil de Jésus, succède son ‘réveil’. Pour le lecteur qui connaît la suite, c’est exactement le même terme qui désigne sa « Résurrection ». Le Ressuscité, comme par anticipation, est vainqueur des forces du Mal et de la Mort. Mais les disciples, qui en savent moins sur Jésus que le lecteur, sont complètement déroutés par ce personnage qu’ils croyaient connaître : « Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

    Ce texte s’adresse aussi à la vie du lecteur : « Toi aussi, pour en arriver à la foi complète, il faudra, comme les disciples, que tu assimiles, en y mettant le prix, le mystère de la mort et de la résurrection de Jésus ». Le vrai disciple devra faire sienne la réponse du centurion après la mort de Jésus : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu », mais en mettant le verbe au présent.

    Jésus marche sur la mer

    Ce texte se présente comme une sorte de doublet de la tempête apaisée, en forçant encore un peu plus les traits. Les disciples sont réticents à aller de l’autre côté du Lac, en terre païenne ; Jésus les oblige à le faire. Lui, pendant ce temps, il se retire pour prier. En effet, ce qui va se passer est particulièrement important ; l’indication de la prière de Jésus en est le signe : il va révéler un peu plus qui il est.

    La mer garde toujours sa même signification symbolique : elle représente les forces du Mal. Jésus semble absent, laissant ses disciples affronter seuls l’adversité. Mais sa présence est différente ; de loin il les suit des yeux et il intervient de façon surprenante. Le récit va montrer sa puissance divine. En effet seul Dieu peut dominer le Mauvais, comme Jésus marchant sur la mer. Le terme employé pour se faire connaître de ses disciples est « Je suis ». Il fait penser au JE SUIS désignant le nom de Dieu au Buisson Ardent. En dépassant la barque, il signifie en quelque sorte sa victoire. En calmant le vent et en montant dans la barque, il assure les siens de sa présence mystérieuse mais réelle. Mais, une fois de plus, les disciples ne comprennent pas. L’auteur le dit à sa manière : « Leur cœur était endurci ». Ils ne comprendront qu’à la lumière du Ressuscité.

    Une Parole pour aujourd’hui

    L’auteur, qui écrit vers les années 70, s’adresse aussi à son Eglise aux prises à de grandes difficultés, aux premières persécutions. Elle peut être tentée par le découragement. Jésus semble absent de l’entreprise qu’il a lui-même lancée. Par ce récit de la marche sur la mer, l’évangéliste veut rappeler la présence de Jésus. Il n’est pas là comme au temps de sa vie terrestre, mais il n’abandonne pas les siens. Il est bien là, vivant, pour les délivrer de tout péril. Mais pour en avoir conscience, il faut faire le même chemin que les disciples, chemin qui passe par la croix et la résurrection du matin de Pâques.

    Aujourd’hui encore, le découragement nous guette nous aussi. Nous sommes de plus en plus minoritaires. Les tâches à accomplir sont immenses et on manque de bras. Nous sommes confrontés à l’indifférence généralisée. Il nous est bon, en ces temps difficiles (mais y a-t-il eu des temps faciles ?) d’entendre par-dessus les âges Jésus nous crier : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! ».

    Joseph CHESSERON