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  • À Poitiers, les nouvelles « cellules de base » de l’Église sur la-croix.com

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    Aujourd’hui, ces communautés sont devenues indispensables pour assurer la présence des chrétiens dans des territoires où les prêtres se font de plus en plus rares.

    Il y a une histoire que Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers entre 1994 et 2011, aimait à raconter. Alors qu’il avait entamé, lors de son arrivée dans la région, une tournée des villes et des villages, plusieurs maires l’interpellèrent : « Monseigneur, qu’allons-nous devenir ? À la suite de la poste, les commerces et les lignes de chemin de fer, l’Église va-t-elle, à son tour, nous abandonner ? »

    Quelques mois après naissaient les « communautés locales », structures inédites à l’époque, réunissant un ou plusieurs clochers pour mieux assurer la présence de l’Église. Vingt ans plus tard, alors que le successeur de Mgr Rouet, Mgr Pascal Wintzer, vient d’annoncer un redécoupage paroissial, 310 communautés de ce type sont installées sur tout le territoire.

    Des communautés indispensables

    Ailleurs en France, l’initiative a inspiré certains diocèses. À leur tête, des « équipes locales d’animation », composées par des délégués chargés de la prière, de l’annonce de la foi et de la charité, désignés par un prêtre, forment la tête de pont de ces communautés. S’y ajoutent un « délégué pastoral » et un trésorier, élus par les paroissiens. Tous ont été officiellement installés par l’archevêque ou le vicaire épiscopal, pour un mandat de trois ans renouvelable une fois.

    Réunis ce jour-là dans la salle paroissiale de Mazières-en-Gâtine, un petit millier d’habitants, Philippe Feneon, 75 ans, Marie-Noëlle Desnoues et Hélène Blaud, 63 ans toutes les deux, ne doutent pas un instant de la pertinence de ces communautés, devenues à leurs yeux indispensables. Par exemple pour mener à bien l’organisation des funérailles, quasiment toutes présidées ici par des laïcs.

    « La semaine dernière, j’ai passé deux heures et demie dans une famille, après la mort du mari. Sa veuve et sa fille, qui ne mettent jamais les pieds à l’église, se sont beaucoup confiées, elles avaient besoin de parler. Et après la cérémonie, elles sont revenues me dire : “J’espère que vous passerez me voir.” »

    Des anecdotes comme celles-ci, ces anciens agriculteurs peuvent en raconter des dizaines. Toutes illustrent, insistent-ils, cette manière d’« entretenir des liens » dans cette zone rurale où les distances sont considérables et les villages faiblement peuplés. « C’est vraiment la cellule de base, renchérit Hélène. À partir de septembre, nos communautés locales seront intégrées dans une paroisse bien plus vaste que l’est notre secteur actuel. Or, plus le centre s’éloigne, plus ce lien me semble indispensable. »

    « En ville, les communautés locales changent beaucoup moins nos habitudes qu’à la campagne », analyse pour sa part Laurent Vassort, 55 ans, délégué pastoral dans le centre-ville de Niort pour la quatrième année consécutive. Ici, jeunes couples et actifs se retrouvent chaque dimanche à la messe. « Nous nous concentrons surtout sur l’organisation de la messe, du catéchisme et des visites aux personnes âgées », résume ce pneumologue, père de six enfants, qui ne nourrit « aucune inquiétude » quant à la présence future de prêtres dans son église de centre-ville.

    S’il reconnaît que l’existence des communautés locales encourage les chrétiens à s’engager, il insiste néanmoins sur « la tentation de certains laïcs de vouloir prendre le pouvoir ». « Le prêtre est le pasteur. C’est à lui de trancher dans certains domaines », estime-t-il.

    Renouvellement et responsabilités

    Car, au risque de friser le paradoxe, la place du prêtre, de plus en plus rare – le diocèse devrait en compter 41 de moins de 75 ans en 2024 –, n’en demeure pas moins une préoccupation centrale des membres des communautés locales. Dans les conversations revient inévitablement le même constat : « Tout dépend de la marge de manœuvre qu’il accepte de laisser aux laïcs, avance Sylviane Mallet, 65 ans, ancienne travailleuse sociale et déléguée pastorale à Niort. S’il accepte de faire partie de notre équipe, cela peut être le signe d’une très bonne coopération. Mais s’il refuse de jouer le jeu, cette attitude peut tout bloquer. »

    Autre point sensible : la difficulté de renouveler les responsables. « C’est le cas de la plupart des engagements dans l’Église, répond l’archevêque de Poitiers, Mgr Pascal Wintzer. Les communautés locales ne sont pas un outil pour gérer la pénurie de prêtre, mais une manière d’aider chaque chrétien à comprendre que la mission chrétienne repose aussi entre ses mains. »

    « Jamais je ne m’étais sentie aussi responsable », juge Hélène Pensec, jeune retraitée très investie dans une communauté du sud de Poitiers. Chaque semaine, elle accueille dans son église les nouveaux venus. Depuis qu’elle a intégré l’équipe responsable de sa communauté, elle s’est penchée en détail sur plusieurs textes du Magistère, dont la dernière exhortation apostolique du pape François, La joie de l’Évangile. « Ça a été une totale remise en cause personnelle sur ma manière de m’engager, dit-elle. Finalement, ce système m’a fait sortir d’une attitude de consommateur. »

    Vingt-huit « paroisses nouvelles »

    À partir de septembre, le diocèse de Poitiers sera organisé en 28 « paroisses nouvelles », dont la constitution a été dévoilée la semaine dernière. Ces paroisses s’appuient sur les communautés chrétiennes locales qui subsistent. Jusqu’alors, les communautés formaient 74 « secteurs pastoraux », eux-mêmes regroupés au sein de 14 « territoires ». En septembre, ces deux échelons disparaîtront.

    De même, les 600 paroisses canoniques, héritées du Moyen Âge seront supprimées. Chacune des 28 paroisses sera desservie par un curé, éventuellement aidé par des « prêtres coopérateurs » (vicaires) et par des « prêtres auxiliaires » (retraités).

    Loup Besmond de Senneville (dans la Vienne et les Deux-Sèvres)

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