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  • « Manger le livre »

    Ezéchiel 2, 7 à 3, 4 (lu le mardi de la 19ème semaine du Temps ordinaire (paires))

    2 - 07 « Tu leur diras mes paroles, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles !
    - 08 Et toi, fils d’homme, écoute ce que je te dis. Ne sois pas rebelle comme cette engeance de rebelles. Ouvre la bouche, et mange ce que je te donne. »
    - 09 Alors j’ai vu : une main tendue vers moi, tenant un livre en forme de rouleau.
    - 10 Elle le déroula devant moi ; ce rouleau était écrit au-dedans et au-dehors, rempli de lamentations, plaintes et clameurs.
    3 - 01 Le Seigneur me dit : « Fils d’homme, ce qui est devant toi, mange-le, mange ce rouleau ! Puis, va ! Parle à la maison d’Israël. »
    - 02 J’ouvris la bouche, il me fit manger le rouleau
    - 03 et il me dit : « Fils d’homme, remplis ton ventre, rassasie tes entrailles avec ce rouleau que je te donne. » Je le mangeai, et dans ma bouche il fut doux comme du miel.
    - 04 Il me dit alors : « Debout, fils d’homme ! Va vers la maison d’Israël, et dis-lui mes paroles. »

    Apocalypse 10, 8-11 (lu le vendredi de la 33ème semaine du Temps ordinaire (paires))

    - 01 J’ai vu, dans la main droite de celui qui siège sur le Trône, un livre en forme de rouleau, écrit au-dedans et à l’extérieur, scellé de sept sceaux [1] . …
    - 08 Et la voix que j’avais entendue, venant du ciel, me parla de nouveau et me dit : « Va prendre le livre ouvert dans la main de l’ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre. »
    - 09 Je m’avançai vers l’ange pour lui demander de me donner le petit livre. Il me dit : « Prends, et dévore-le ; il remplira tes entrailles d’amertume, mais dans ta bouche il sera doux comme le miel. »
    - 10 Je pris le petit livre de la main de l’ange, et je le dévorai. Dans ma bouche il était doux comme le miel, mais, quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume.
    - 11 Alors on me dit : « Il te faut de nouveau prophétiser sur un grand nombre de peuples, de nations, de langues et de rois. »

    Nous avons ici deux textes parallèles, le deuxième étant une relecture du premier, L’Apocalypse enrichit la vision d’Ezéchiel.
    Ce dernier se situe dans le cadre d’une mission de Dieu confiée à son prophète, qui mange le rouleau qui contient les paroles venues de Dieu, pour les transmettre au peuple rebelle (rempli d’amertume). Afin qu’il se convertisse.
    Chez Jean, la vision se situe dans le ciel, dans le cadre d’une liturgie céleste, devant le trône de Dieu.
    Dans les deux cas, le livre est écrit au-dedans et au-dehors, on peut le comprendre comme une parole qui rempli le livre, mais qui rejoint et instruit celui qui fait la lecture comme l’auditeur qui est de l’autre côté du livre.
    Dans les deux cas également, le livre qui est ingéré est doux, comme le miel, dans la bouche du prophète… La Parole venue de Dieu qui ne peut qu’être savoureuse et nourrissante… Mais pour Ezéchiel, l’amertume est dans le cœur de ceux à qui il est envoyé. Alors que dans l’Apocalypse, l’amertume est ressentie quand le livre mâché rejoint les entrailles !
    Les deux soulignent que la Parole de Dieu est une nourriture savoureuse !
    La Parole de Dieu doit devenir nourriture pour le croyant. Il faut la lire et la relire, s’en imprégner. Comme la nourriture une fois digérée devient notre propre chair vivante. De même la Parole de Dieu devient notre chair, notre « substance ». Cependant, pour donner sens à la vision de l’Apocalypse, il n’est pas interdit que cette Parole de Dieu accueillie avec sa douceur, signe de son auteur, devient amertume dans les entrailles puisqu’elle bouleverse nos propres comportements, nos façons de penser et de concevoir !
    C’est la conversion, le retournement intérieur, la métanoïa (le pasteur Carrez, professeur de grec biblique à la Catho de Paris, disais qu’il faut traduire retourner comme un gand) on imagine ce que cela fait sur un estomac !
    Tous les auteurs spirituels insistent sur cette manducation de la Parole de Dieu, ce travail de mâcher longuement les textes de la Bible, lire, relire, sans cesse, pour se laisser imprégner de la pensée divine et d’en devenir petit à petit le témoin et le reflet. Un vieux frère convers (qui n’avait que son certificat d’études) que j’ai bien connu, vers la fin de sa vie, a éprouvé le besoin d’écrire « sa conversion », à l’origine de sa vocation. Son texte était truffé de citations bibliques, réminiscences de sa « Lectio Divina » ! Mais le brave frère a dû faire appel à un prêtre de la communauté, pour identifier et inscrire en « notes de bas de page », les références de chacun des textes cités de mémoire ! Belle illustration de cette culture acquise dans l’humble méditation de la Parole de Dieu contenue dans « les Saintes Écritures » !

    « Ta parole est notre pain,
    - Notre vie, notre lumière.
    - Ta parole est le chemin
    qui nous mène vers le Père ».

    (Cote : D159/3Paroles : Jean Martin/Musique : Paul Décha)

    Autres Réflexions…

    « De l’Écriture à la Parole [2] »

    Pour nous les initiés, la Parole de Dieu et la Bible sont « homonymes »… Cependant, nous connaissons des personnes qui possèdent une Bible, sans jamais l’avoir ouverte « Elle est lettre morte », elle n’est pas la Parole de Dieu.
    En chaque liturgie, il nous faut ouvrir le livre et recourir aux qualités d’un lecteur pour rendre vivant le texte et le faire passer de l’Écriture à la Parole, c’est un ministère liturgique (cf « Ministeriae quaedam » de Paul VI) Il se termine, toujours par « Parole de Dieu » et acclamons « la Parole de Dieu », pour l’Évangile ! L’homélie revêt aussi la qualité de « Parole de Dieu », le statut même du ministre de l’homélie, réservé aux évêques, prêtres ou diacres, souligne le caractère « sacré » de ce ministère. L’homélie, interprète-actualise, éclaire, souligne, encourage l’écoute et la compréhension de la Parole de Dieu (Lc 24, 13-49), pour que les auditeurs la mettent en pratique (l’actualise dans leur vie). Les événements de nos vies, vécus dans la foi, sont « Parole de Dieu », à travers eux Dieu nous parle. Une lecture de la Parole de Dieu pour chaque célébration sacramentelle souligne ce lien entre ce que nous voulons vivre et célébrer, et un texte biblique choisi et lu pour illustrer l’événement célébré, auquel la Parole de Dieu donne sens !

    Jean Luc Voillot