• Logo
  • La Bible au centre de la vie chrétienne Les groupes bibliques

    En 2018, s’est tenu dans le Sud Deux-Sèvres, à Lezay, le Synode national de l’Eglise Protestante Unie (EPU). J’ai été tenu au courant par une personne qui a fait partie de l’équipe organisatrice (membre du conseil presbytéral) et qui est responsable, à ce jour, du groupe ACAT niortais. Elle soulignait l’importance d’une des conclusions de ce Synode : mettre l’Ecriture au centre. L’Eglise ne sera missionnaire que si ses membres, personnellement et collectivement, se nourrissent véritablement de l’Ecriture. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en ce qui concerne l’EPU.

    Constitution d’un groupe biblique.

    L’étude de la Bible fait partie de la démarche chrétienne. Saint Jérôme, au 4ème siècle, disait déjà : « Ignorer l’Écriture, c’est ignorer le Christ ». Le Concile Vatican II a repris à son compte cette expression. Nos frères protestants, au 16ème siècle mais encore maintenant (voir plus haut) ont remis l’Écriture au centre. Après une très longue nuit (Il était interdit aux simples fidèles de lire la Bible), l’Église Catholique « s’est convertie », notamment par l’Encyclique de Pie XII en 1943 Divino afflante Spiritu. Même s’il y a bien des progrès à faire, les Catholiques, souvent en lien avec les Protestants, se sont mis à se nourrir de l’Écriture.
    C’est bien au nom de leur baptême que les chrétiens éclairent leur vie à la lumière de l’Écriture. Chacun peut (et doit ?) le faire personnellement. Cependant, de même que l’Écriture est née dans des communautés chrétiennes, de même il est plus profitable que l’étude biblique prenne une dimension communautaire.
    Un groupe peut naître de l’initiative des responsables de la Communauté, en appelant les chrétiens à se réunir et en demandant à quelqu’un d’animer le groupe. On veillera à ce que cette personne ait une formation, même basique, et qu’il s’engage à continuer à se former.
    Mais rien ne s’oppose à ce que des chrétiens, de leur propre initiative, au nom de l’Esprit reçu à leur Baptême et à leur Confirmation, décident de se réunir pour lire la Bible, l’étudier et la mettre au cœur de leur prière commune. Ces groupes informels, tout comme ceux dont il a été question précédemment, veilleront à être ouverts à la venue d’autres personnes et garderont des liens avec la Communauté. C’est ce qu’on appelle « Faire Église ».

    La vie d’un groupe biblique

    Il paraît important de privilégier, dans les groupes bibliques, la lecture des textes en continu, gratuite (non commandée par l’urgence pastorale immédiate : la préparation liturgique d’une messe du dimanche ou d’une célébration d’un baptême, d’un mariage ou d’une sépulture). Sinon, très vite, on se rabattra sur les textes les plus connus et, apparemment, les plus faciles. Ce serait oublier que la Bible forme un tout.

    Cette lecture comporte plusieurs « étapes » qui, dans la réalité d’une rencontre, s’entremêlent :

    a- la compréhension du texte (genre littéraire, situation historique, situation du passage dans l’ensemble du texte étudié…). C’est une manière d’éviter une lecture littéraliste (ou fondamentaliste) et les faux problèmes qui s’en suivent. C’est l’apport de l’animateur, qui doit toujours être très humble dans son partage de connaissances. C’est pourquoi, il vaut mieux parler d’étude commune que de cours. Mais l’animateur biblique se sent seul, quand il n’est pas aidé dans ses recherches pour une meilleure compréhension de la Bible, pour une lecture renouvelée (historicité ou non des récits bibliques, histoire de l’écriture de la Bible, lecture symbolique, lecture narrative…). D’où l’importance de rencontres de formation des animateurs ecclésiaux. Ce travail fait partie de la Mission ; il est même primordial pour éviter deux dangers : ou se cantonner dans l’étude sans lien avec la vie, ou se raconter « à partir du texte » (on en est bien parti !) en oubliant ce qu’il nous dit pour nourrir notre vie chrétienne.

    NB Le plus grand ennemi de la lecture biblique, c’est la lecture fondamentaliste (ou littéraliste). Dans un livre publié par la Commission Biblique Pontificale datant des années 1980, toutes les approches bibliques sont acceptées, sauf la « lecture fondamentaliste », qualifiée dans ce livre de « suicide de l’esprit ». En effet, puisque toute la vérité nous est donnée dans la lettre du texte, nous n’avons plus à réfléchir, à « interpréter ». Nous n’avons plus à faire fonctionner notre esprit. Or tout acte de lecture, quel qu’il soit, y compris la lecture de la Bible, est, par nature, interprétation.

    b- la lecture chrétienne : en quoi le texte est-il pour moi/nous une parole de Dieu qui est adressée aujourd’hui à l’Église et à chaque chrétien qui la compose (cf. la Lectio divina mais pas seulement) ? L’animateur, à ce niveau, n’est qu’un croyant parmi les autres. Il n’est, par rapport au groupe, pas plus qu’un petit serrurier qui prépare la clef qui servira à ouvrir la porte. Les chrétiens réunis l’ouvriront ensemble et l’animateur veillera à ne pas monopoliser la parole, pour que chacun puisse s’exprimer sur ce qu’il a compris du texte et sur ce qui le nourrit dans sa vie chrétienne (foi et action).

    c- une parole qui, dans sa nature même, est appelée à être « annoncée » à l’Humanité d’aujourd’hui.
    - Le « pourquoi » de la Mission, nous le connaissons, même s’il doit sans cesse être approfondi : Dieu, par nous, veut se faire « connaître », au sens le plus fort du terme : se « faire aimer ».
    - Le « comment » est à réinventer sans cesse, suivant les circonstances, les lieux, les personnes. Les modèles du passé ne fonctionnent pas automatiquement. Et il n’y a pas un seul modèle. Entre le modèle intrusif de certains groupes quelque peu sectaires, et le mutisme complet, il y a un abîme.

    Dans un premier temps, qui peut être très long, comme il peut être court suivant les circonstances, c’est la rencontre, le partage des réalités humaines, la confrontation avec celui qui a un autre point de vue, qui, déjà, est Parole, parce que tout cela est amour de l’autre, réel, concret, même si Dieu n’est pas nommé ( voir 1Jn 4, 7 ou Mt 25). Cette Parole, à travers nous … et sans nous, Un Autre la porte, dépassant ainsi nos petitesses, nos limites, nos hésitations.
    Dans un deuxième temps, cette Parole que nous portons en nous comme un feu, nous avons le désir intense de la rendre publique. Mais ils sont bien malins, ceux qui connaissent d’emblée le lieu et le moment de porter le Message. Dans l’état actuel des choses, il faut tenir compte du fait que les idées préconçues, sur Dieu, sur la religion, sur l’Église, sont souvent un repoussoir rendant inaudible et non crédible ce Bon Message qui nous fait vivre et que nous sommes chargés (envoyés) d’annoncer.

    Ces propos de conclusion peuvent être décevants, mais c’est une manière de renvoyer chacun à sa propre responsabilité d’adulte chrétien.

    Joseph Chesseron