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  • Le Christ appelle Matthieu

    Capharnaüm, ville dont il ne reste que des ruines, mais vestiges importants pour comprendre l’histoire des premiers chrétiens, Capharnaüm donc était, aux temps du Christ, une cité florissante sur les bords de la Mer de Galilée. La ville était un lieu de transit à l’arrivée des caravanes venant d’Orient. On comprend aisément que cette ville frontière était pourvue en douaniers et autres percepteurs.

    Alors qu’il sortait de Capharnaüm, Yéshoua (Jésus) aperçoit, assis au bureau de sa permanence, un collecteur d’impôts, un certain Lévi, le fils d’Alphée. (Matthieu 9, 9)
    C’est bien à ce Lévi, appelé par la suite Mattaï (Matthieu en français), qu’une antique tradition attribue la rédaction en grec d’un évangile.

    _ Pour nous, aujourd’hui, le métier de percepteur n’a rien d’infâmant, mais il faut se reporter à la mentalité du 1er siècle en Palestine : les publicains (collecteurs de taxes) étaient des gens honnis de tous ; en effet ils avaient une certaine somme à payer à l’autorité qui les employait ; aussi avaient-ils toute liberté de récupérer tout ce qu’ils voulaient sur leurs administrés ; en fait ils exploitaient les gens. En tant que juifs, comme ils étaient en contact permanent avec les Romains, des païens, ils vivaient en état d’impureté légale par rapport à la loi juive ; c’étaient des pécheurs publics.

    « S’adressant à Lévi, Yéshoua lui dit : » Suis-moi «  ; l’homme se leva et le suivit. » En choisissant un percepteur d’impôts, détesté de tous, le Christ faisait un acte provoquant. Il a fallu beaucoup de force et de personnalité au Christ pour aller ainsi à contre-courant de toute l’opinion de son temps. Le prophète de Nazareth était un homme libre.

    « Comme Yéshoua était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. » Lévi a donc fêté son appel en offrant un festin (ça s’arrose ! comme on dit aujourd’hui) ; et ce sont ses collègues évidemment qui sont de la fête. D’ailleurs Loukas (Saint Luc) nous racontera une histoire identique avec un autre collègue du nom de Zakkaï (Zachée). Yéshoua a dû faire ce coup-là, plusieurs fois ! (Luc 19, 1-10)

    _ « Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? » Christ Yéshoua ne se contentait pas d’appeler un pécheur pour en faire un disciple, il osait faire table commune avec lui. Les gens murmuraient : voici un ami des publicains et des pécheurs.

    Pour comprendre la signification profonde de cette attitude du Christ et la réaction des pharisiens, il faut connaître les usages juifs : inviter quelqu’un à table, c’est consentir à une amitié avec lui. Les juifs ne mangent pas n’importe quoi : la nourriture kasher s’impose. On ne mange pas avec n’importe qui : il faut être rituellement pur. Le repas est rempli de symboles. Et voilà que Yéshoua, bon juif, mange avec les publicains.

    « Ce ne sont pas les gens bien-portants qui ont besoin de médecins, mais les malades. » Cette formule nous révèle qui est le Christ, sa mission. Non seulement le péché ne rebute pas le prophète Yéshoua, mais il se sent attiré par la misère, comme le médecin vers le malade.

    D’ailleurs dans la Bible, le terme Rapha’ (guérir) est souvent appliqué à Dieu, seul capable de guérir son Peuple. (Psaume 147,3) « Dieu guérit ceux qui ont le cœur brisé et il panse les blessures . » En ce sens le Christ est celui qui guérit.

    « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice ». Cette phrase avait de l’importance pour le Christ ; elle est citée deux fois dans l’évangile de Mattaï (Matthieu 9, 13 et 12, 7). Yéshoua affirme la priorité de l’amour sur le culte, de la miséricorde sur le sacrifice.

    Ne serions-nous pas que des « consommateurs de messes » oubliant que l’important c’est la vie spirituelle, que la mission évangélique est la miséricorde envers les autres. « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. »

    Que de communautés meurent aujourd’hui, car elles n’auront généré que des pratiquants de messes. Toute personne, dans sa conduite personnelle, doit bien distinguer « religion et spiritualité ». La religion est un ensemble de croyances et de rites ; la spiritualité met l’accent sur le sens des choses et le monde spirituel. Pour exemple, on parle de religion chrétienne et de spiritualité évangélique. Toutefois, ces deux notions ne sont pas contradictoires ; elles vont souvent de pair, grâce à Dieu. En raison des temps difficiles que nous vivons, il me semble important de revenir à une spiritualité profondément évangélique. « C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. »

    Comme il est bon, finalement, du moins pour ceux qui se sentent pécheurs, d’entendre ces paroles de Yéshoua de Nazareth :

    « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs. » (Luc 5, 52)

    Père Joseph GUILBAUD

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