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  • 4ème conférence du père Jean-Marie Loiseau : La Rencontre de Jésus avec la femme adultère

    La Rencontre de Jésus avec la femme adultère (st Jean 8, 1-11)

    Nous sommes là face à une perle des récits évangéliques. Le récit a dû effrayer par son ouverture certains responsables de l’Eglise primitive. L’adultère était considéré comme un des rares péchés pour lesquels une pénitence publique était nécessaire et qui ne pouvait être remis qu’une seule
    fois dans la vie.
    Le comportement de Jésus à l’égard de la femme adultère aura pu paraître à certains (qui oubliaient « va et ne pèche plus ») comme une indulgence excessive face à l’infidélité conjugale.

    Jésus, le maître
    Jésus d’entrée est placé dans une position d’autorité et d’enseignement.
    Le récit commence au soir d’une journée d’enseignement au Temple : chacun retourne chez soi (Jean 7, 53) et Jésus rejoint le mont des Oliviers, comme il en est coutumier selon Luc (Luc 22,39). Il est dans le Temple de bon matin et il enseigne à tout le peuple (Luc 21, 37). Plus qu’un contenu, c’est l’acte même d’enseigner, c’est-à-dire, d’interpréter la Loi avec sagesse, qui est ici mis en valeur : il est maître et c’est précisément sur ses qualités qu’il sera soumis à une épreuve.

    Le procès (Jean 8, 3-9)
    L’opposition entre les scribes et les pharisiens, interprètes officiels de la Loi, et Jésus, est d’emblée marquée : « dans la loi Moïse nous a prescrit … et toi, qu’en dis-tu ? ».
    D’après Lévitique 20,10, l’adultère entraîne la condamnation à mort sans que le mode soit spécifié : « L’homme qui commet l’adultère avec la femme de son prochain devra mourir, lui et sa complice ».
    La lapidation est précisée dans le Deutéronome pour le cas d’une femme non mariée : « Si une jeune fille vierge est fiancée à un homme, qu’un autre homme la rencontre dans la ville et couche avec elle, vous les conduirez tous deux à la porte de cette ville et vous les lapiderez jusqu’à ce que mort s’ensuive : la jeune fille parce qu’elle n’a pas appelé au secours dans la ville et l’homme parce qu’il a abusé de la femme de son prochain. Tu feras disparaître le mal du milieu de toi » (Deutéronome 22, 23-24). Certains en ont déduit que la femme adultère de Jean était lapidée parce qu’elle était vierge non mariée. Mais la lapidation était le mode normal de mise à mort chez les Juifs (cf Ezéchiel 16, 38-40). Au temps de Jésus, il semble qu’il en était de même.
    Pourquoi conduisent-ils la femme vers Jésus ? Le Sanhédrin l’a-t-il déjà condamnée ?. Mais dans ce cas pourquoi Jésus dit-il : « Personne ne t’a condamnée ?  ». D’autres pensent que la femme n’aurait pas été jugée du fait que le sanhédrin n’avait plus pouvoir de juger et de condamner (après l’année 30, les Romains avaient enlevé aux Juifs le pouvoir de porter une sentence de mort). Il pourrait aussi s’agir d’un cas de lynchage spontané comme il devait en exister et auquel Jésus est invité à donner son adhésion.

    De toute façon, le piège est redoutable et apparemment infaillible : si Jésus s’associe à la condamnation réclamée par la loi mosaïque, il entre en rébellion contre le pouvoir romain. Du même coup il contredit la part la plus subversive de son enseignement qui parle d’un Dieu de Miséricorde. Mais s’il ne le fait pas, il s’oppose à Moïse, l’autorité suprême. Le piège est très proche de l’épisode de l’impôt à César (Marc 12, 13-17).

    Jésus et la Loi
    La réponse de Jésus est habile et, au-delà de son habileté, elle est ouverture vers la vie et non enfermement dans la mort.
    D’abord elle se fait silence. À la première question, Jésus ne répond que par des graffiti sur le sol. Une tradition qui remonte à St Jérôme (IVème siècle) a imaginé qu’il déclinait les péchés de ses accusateurs.
    Dans cette perspective, voir Job 13, 26. D’autres supposent qu’il écrivait le texte de Jérémie 17, 13 : « Tous ceux qui t’abandonnent seront honteux, ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre » ; ou encore Exode 23, 1 : « Tu ne prêteras pas ta main en témoignant injustement ». On a même pensé au juge qui, selon l’usage romain, écrivait pour lui la sentence avant de la proclamer.
    Mieux vaut respecter l’imprécision du texte. Jésus trace des traits sur le sol pour faire durer le silence, donnant tout son poids au jugement à venir. Son doigt dressé est déjà mise en question des juges qui oublient leur propre péché.
    Devant l’insistance des juges, Jésus les renvoie à leur propre condition de pécheur devant cette loi qu’ils brandissent : « Que celui qui n’a jamais péché …. » et ils s’en vont vaincus. Les plus anciens partent les premiers, peut-être parce que plus sages pour reconnaître leur condition pécheresse. L’épreuve est achevée ; Jésus s’en est sorti vainqueur. Seuls restent celui qui n’a pas péché et celle dont le péché est public.
    « Deux sont restés, disait St Augustin, la malheureuse et la miséricorde (misera et misericordia) ».

    Jésus et la femme
    L’affrontement et la controverse prennent fin ; le récit pourrait s’achever. Ce fut le cas pour le récit sur l’impôt à César. Mais ici l’appât n’est pas un objet matériel sans âme, simple monnaie d’échange comme une pièce d’argent, mais un être humain, humilié, une femme sans avenir, enfermée dans un cercle de mort. Les accusateurs s’en sont allés sans avoir jamais adressé la parole à la femme. Ils l’ont enfermée dans le cercle de leur jugement. Pour qu’elle sorte du cercle, il faut quelqu’un qui lui parle et lui permette de sortir de l’enfermement de son péché : « Va et ne pèche plus ».
    Elle est devenue quelqu’un qui a un avenir. La Loi n’est pas effacée, elle est devenue « humaine », chemin de vie et de rachat. Jésus s’est révélé comme maître de sagesse et d’humanité.

    Père Jean-Marie Loiseau
    16 février 2017