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  • Vendredi Saint 2022

    « Tout est accompli » (Jn 19, 30). Voici les derniers mots du Christ dans cet Évangile selon Saint Jean. Et ces mots tranchent avec ceux des synoptiques. Ici, pas de cri de souffrance de Dieu, pas de solitude du Fils… mais un acte librement posé, en conscience.
    « Tout est accompli » .
    Oui, nous sommes ici à une charnière entre un hier et un lendemain. En un sens, si le présent existe, c’est pour le seul temps de prononcer cette phrase. Car en disant cela, Jésus achève sa mission et débute pour lui une autre mission : celle d’être vivant pour toujours, au milieu du monde.

    Oui, le fils a accompli le projet du Père par cette mort en croix.

    Ou, dit autrement, Dieu s’est révélé autrement que par la Toute-puissance, et voilà l’accomplissement-abaissement réel au jour de la croix. Dieu ne s’impose pas. Il n’est pas Celui qui domine
    -  Il est mort en croix avec toutes nos fausses images de Dieu qui, du haut du ciel, viendrait gouverner le monde.
    -  Il est mort en croix avec toutes nos attentes d’une victoire puissante sur autrui.
    -  Il est mort en croix avec toutes nos incapacités à le reconnaître tel qu’il est, c’est-à-dire Amour absolu.

    Bien sûr, la trahison, le rejet, le mensonge, l’omission, l’insulte, les calomnies et toute œuvre du mal sont bel et bien réduits à néant devant l’accomplissement-dévoilement du Fils de Dieu : par sa mort en croix, il transcende toute cette ignominie et accomplit ainsi le projet divin voulu depuis la création du monde, faisant de l’humanité une œuvre merveilleuse.

    Ainsi, mes amis, en ce jour saint, n’honorons pas la croix à la manière de Judas, de Pierre, des soldats ou de la foule. Faire ainsi, c’est nier la véritable croix qu’est le Christ lui-même. Ne laissons plus le mal nous emprisonner. La croix nous libère de tout cela, accomplit le projet salvateur de Dieu.

    Notons aussi que cette parole du Christ en Croix semble aussi correspondre au projet théologique de saint Jean l’évangéliste, et de son école. En effet, les rappels bibliques sont incessants ; à tel point qu’ils ponctuent l’ensemble du récit de la passion à cinq reprises : « Ainsi s’accomplissait la parole que Jésus avait dite » (18, 9.32 et 19, 24.18.36).

    Ainsi entendue, la Passion est une relecture de l’œuvre de Dieu pendant sa vie terrestre, mais aussi une relecture de nos propres existences : en « mangeant » le Livre des Écritures, que son accomplissement-participation donne sens à nos vies.

    « Tout est accompli » est donc une manière pour le Fils de nous signifier par quel abaissement il a rejoint notre humanité, comment il se dévoile à nos yeux, et ce pourquoi il est au milieu de nous.
    « Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu » disait Saint Irénée en son temps. Continuons de méditer sur cette figure de Dieu qui nous rend, par sa croix, notre dignité absolue de fils et filles de Dieu créés à son image et à sa ressemblance Amen.

    P. Julien DUPONT