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  • Homélie du 5 avril 2020 - Les Rameaux

    Les dispositions intérieures
    Habituellement nous nous retrouvons, plutôt nombreux, pour célébrer le dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur. Cette année, nous ne serons pas physiquement ensemble pour acclamer Jésus. Chacun regardera, ou écoutera de chez lui, l’une ou l’autre célébration proposée par les médias.
    Mais, comme pour toute célébration, il y a les formes extérieures et les dispositions intérieures. Si le dehors a son importance, le principal est bien dans le cœur, ce qui habite au plus profond de nous, notre désir.
    Alors aujourd’hui nous sommes invités à nous unir de tout notre cœur au Christ, à vivre avec lui ce don qu’il fait de lui-même à son Père, à nous offrir avec lui.

    Une fête tout en contraste
    La fête des Rameaux est toujours marquée par un contraste. Nous commençons dans l’enthousiasme avec la foule qui acclame Jésus, c’est l’entrée triomphale à Jérusalem, puis nous écoutons le récit de la longue passion de Jésus. Nous passons de la joie à la tristesse, de la ferveur à la haine. Au début nous participons à l’accueil d’un roi, puis quelques instants plus tard nous assistons au procès bâclé d’un innocent. Tout est en contraste dans cette célébration.

    La versatilité
    Qu’est-ce que cela peut nous dire à nous aujourd’hui ? Je retiendrai deux idées.
    Tout d’abord cela traduit la versatilité des hommes. Pas seulement ceux d’hier, mais également ceux d’aujourd’hui, c’est à dire chacun de nous.
    Car s’il y a bien une instabilité que nous devons regarder, ce n’est pas celle de la foule d’il y a 2000 ans, mais la nôtre. Nous aussi nous passons de l’enthousiasme à suivre le Christ à son abandon.
    Combien de fois sommes-nous prêts, comme la foule, à crier que Jésus est notre Roi et deux minutes après nous le lâchons pour satisfaire nos plaisirs. D’autres fois nous pensons comme Pierre : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas » (Mt 26, 35) et cinq minutes après nous usons des moyens les plus subtils pour cacher notre foi ou dire du mal de notre prochain.
    Ce drame qui est relaté au travers des deux évangiles des Rameaux c’est celui qui se joue dans notre cœur. C’est de notre infidélité, de notre faiblesse, de notre péché dont il est question.

    La mort du Christ
    Si je vous demandais : qui a mis Jésus à mort ? Certainement vous me diriez : ce sont les autorités juives qui ont tout fait pour le tuer, et vous auriez raison.
    Dimanche dernier nous nous rappelions que Jésus a décidé librement d’aller à Jérusalem, sachant qu’en prenant ce chemin il allait sûrement mourir.
    Ce ne sont donc pas seulement les autorités juives qui l’ont tué, mais Jésus a décidé lui-même de donner sa vie. « Ma vie, nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même » (Jn 10, 18) précisera-t-il.

    « Pour nos péchés »
    Et c’est en raison de nos péchés qu’il le fait, pour nous réconcilier avec le Père.
    « Avant tout, écrit saint Paul, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures » (Co 15, 3).
    Les Ecritures dont il s’agit ici sont principalement les écrits d’Isaïe : « nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié. Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. […] il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort, et il a été compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs. » (Is 53, 4-5.12).

    Jésus nous attend
    Tous les hommes, et donc chacun de nous, sont responsables de la mort de Jésus. Blaise Pascal faisait dire à Jésus : « Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. » (Pensées 8H). Et il poursuivait : « si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur », mais « je t’aime plus ardemment que tu n’as aimé tes souillures ».
    Si nous devons avoir honte de nos fautes, nous ne devons jamais craindre de nous tourner vers le Christ, son amour est infiniment plus grand que notre faute. Jamais il ne refusera d’accueillir un pécheur, au contraire, c’est avec joie qu’il le voit revenir à lui, il n’attend que cela : lui offrir son amour.

    Deux logiques de vie
    La deuxième idée que me suscite ces deux évangiles contrastés c’est qu’il existe deux logiques de vie bien distinctes, celle qu’à la suite du pape, nous pourrions dire « mondaine » et celle de Dieu.

    La logique mondaine
    La première logique est celle de la réussite, du pouvoir. C’est certainement ce qui pousse la foule à acclamer Jésus lors de son arrivée à Jérusalem. C’était aussi la pensée des apôtres. Ils voyaient sûrement, avec l’entrée si triomphale de Jésus dans la ville de David, leur espoir se réaliser. Les apôtres se battaient pour avoir la première place (cf. Mt 20, 20 et suiv.), ils espéraient être assis à la droite ou à la gauche de Jésus qui, pensaient-ils, allait devenir roi. Voyant l’acclamation qui lui est réservée en ce jour des Rameaux, ils doivent s’imaginer que Jésus va enfin prendre possession de la ville royale, qu’il va inaugurer son règne. Ils pensent que le triomphe du Christ est pour bientôt, mais un triomphe qui se limite aux domaines terrestres.
    Cela c’est la logique du monde. Elle ne dure qu’un temps, elle est éphémère.
    Ce qui est recherché ce sont les honneurs, le pouvoir, les premières places.

    Le pape François en a parlé bien des fois. Lors d’une messe à Sainte Marthe il dira par exemple : le langage mondain c’est « quand il y a de la vanité, une envie mondaine d’avoir le pouvoir, pas de servir, mais d’être servi. […]. Ainsi, par exemple, il y a les bavardages, le fait de salir les autres. […] Tout cela c’est l’esprit du monde, qui est l’esprit de richesse, de vanité et d’orgueil » (17/05/2016)

    La logique de Dieu
    Mais face à cela il y a la logique du Christ qui, comme le rappelle encore le pape François, « est venu pour servir et (...) nous a enseigné la route à suivre dans la vie chrétienne : le service, l’humilité » (idem). Cette logique c’est celle de l’amour. Lorsque l’on aime on ne cherche pas à avoir mais à donner, à être servi mais à servir. Jésus est bien un Roi mais qui veut permettre aux autres d’exister. Et il invite ses disciples à suivre son chemin. Il ne nous demande pas forcément de verser notre sang, mais « de faire le petit peu qui dépend de nous » (Sainte Thérèse d’Avila), là où nous sommes.

    La victoire de l’amour
    L’ennemi a voulu la mort du Christ en espérant pouvoir l’anéantir. Mais en fait Jésus utilise cette faiblesse pour faire triompher l’amour. La victoire du Christ est celle de la résurrection, elle nous vient d’une surabondance d’amour, et cette victoire est éternelle.

    Le royaume de l’amour
    En cette semaine sainte, nous pouvons choisir entre persévérer Jésus ou nous enfuir, entre haïr ou aimer.
    La seule attitude juste des chrétiens est de suivre Jésus, de le regarder. Nous arrêter pour contempler l’œuvre infinie de l’amour de Dieu manifestée sur la croix.
    Jésus nous invite à prier, à donner, à nous donner, à réussir notre vie en aimant.
    Il nous invite à ne jamais désespérer, même au cœur des épreuves, l’amour est et sera toujours le plus fort.

    Nous n’avons rien à présenter à offrir à Dieu pour mériter son amour. Nous avons à le laisser nous aimer, à le laisser nous pardonner, et entrer dès maintenant dans son royaume, celui de l’amour.
    Avec Marie et saint Jean soyons avec lui, au pied de la croix, car c’est là qu’il se trouve en ce jour.

    Père Michel Chambragne

    Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 21, 1-11)

    Pour retrouver des mots croisés sur l’évangile

    Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 26, 14 – 27, 66) – (Lecture brève : Mt 27, 11-54)