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  • Eglise Notre Dame de Niort Jeudi 4 Novembre 2010.

    Nous venons de faire retentir la Parole de Dieu que Joseph a passé sa vie à prêcher, à temps et à contre temps. Il a commenté ces textes combien de fois, à combien de célébrations, lui qui se fit le messager de l’amour de Dieu : « celui qui n’aime pas reste dans la mort » (Première Lettre de Jean) ; le messager du bonheur de vivre – vie temporelle, vie éternelle comprises : « Heureux… ils verront Dieu… » (Evangile des Béatitudes) : le messager de la miséricorde des psaumes : « Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu » (Psaume 33).

    Nous venons donc d’envelopper le corps de Joseph du plus beau linceul qui soit à notre disposition : la Parole de Dieu, celle même pour laquelle il fut consacré et à laquelle il se consacra. Cette Parole – entendue à l’instant, mais aussi l’ensemble de celle-ci – dit le tout de la vie, le tout du ministère et de la destinée de ce prêtre.

    Prêtre il fut, exemplairement même, pour nous ses confrères. Mais nous sommes joyeusement contraints d’ajouter qu’il le fut à sa manière, personnelle ô combien – auquel d’entre nous ressemblait-il ? – une manière d’aisance, d’élégance peut-être même.

    Heureux d’être prêtre, il appliqua le programme du pasteur que brosse la première épître de Pierre :

    « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré » (IP 5, 2).

    Joseph – c’est clair – était prêtre « de bon gré ». Il aimait ce qu’il avait à faire. Devons-nous dire qu’il nous a aidés à aimer nous-mêmes, le ministère qui nous était confié, puisant comme lui à la même source du bonheur apostolique.

    Un fécond ministère : principalement auprès des jeunes dans le cadre de l’aumônerie du Collège Saint Joseph, avec ses chers Frères des Ecoles chrétiennes : il était exceptionnel que le souvenir de cette période ne vînt pas dans la conversation ! Puis en quelques enjambées, le voilà à Notre-Dame, puis au Secteur Brèche et Lambon, tout en assurant l’aumônerie de la Communauté des Sœurs de l’Immaculée qui prirent soin de lui, tout en bénéficiant de son apostolat. Comme nous le voyons, un ministère niorto-niortais, faisant que La Ville entière et ses environs, connaissait le Père Joseph Roman. Une figure à Niort !

    Un ministère de contact, de célébration, de prédication. Il aimait manifestement ces trois charges. Lorsqu’il était invité à une table, il était un convive tel qu’on souhaite en avoir souvent. Ses célébrations étaient appréciées car on sentait un homme qui célébrait avec son cœur et son style. Il aimait prêcher et nous aimions l’entendre. La forme était impeccable : sans doute faisait-il partie de cette génération de prêtres qui avaient appris à parler en public. Il prêchait avec aisance et joie.

    « De vrai dit Augustin à des catéchistes déprimés, on nous écoute bien plus volontiers lorsque nous-mêmes nous prenons plaisir à l’ouvrage. La trame de notre Parole est marquée de notre propre joie : elle coule plus aisée, plus prenante ».

    Il prêchait ainsi.

    Et si notre ami était doté d’une exceptionnelle capacité de plaintes (!)– Dieu merci, la plupart du temps, il oubliait de mettre en œuvre ce don – je ne l’ai jamais entendu exprimer une quelconque lassitude dans l’exercice de son ministère de prêtre. Qui dit mieux, qui fait mieux, amis prêtres ?

    Nous avons bénéficié d’une autre de ses dons, plus exceptionnel encore : sa capacité d’amitié. Un ami plein d’entrain, cordial, curieux de la vie, des joies et des peines, drôle, plein de sentiments qui l’amenaient parfois au bord des larmes. Beaucoup d’entre nous ont eu plaisir à sa conversation. Moi-même, pour rien au monde je ne ratais le rendez-vous du samedi midi où j’étais son commensal à Sainte-Marie : certes l’abordage n’était jamais très réjouissant (les plaintes !) mais voilà, le miracle avait toujours lieu : oubliant ses vraies et prétendues peines, il devenait l’homme agréable et sympathique au possible. Nous devons dire que sa façon amicale d’être prêtre fut précieuse pour nous, dans nos relations bien sérieuses, ou neutres, ou rugueuses parfois.

    Je retiens cette belle leçon d’amitié : elle vaut pour nous tous : il nous est possible d’être amis de Dieu ; d’être amis de nos proches (Joseph parlait avec dévotion de ses neveux et nièces) ; d’être amis des plus loin, des plus pauvres, des plus fragiles. La vie ecclésiale peut aussi être amicale, ainsi que la vie presbytérale.

    La mission elle-même peut être amicale. Un prêtre de Paris a tenu récemment ces propos : ils ont été cousus main pour Joseph Roman. Il dit :

    « La seule façon de convaincre ceux qui sont à distance de l’Eglise, leur sera donnée par des pratiques chrétiennes renouvelées, qui acceptent de compter davantage sur l’hospitalité de l’amitié, le génie inventif de la sainteté et les espiègleries de l’Esprit, que sur la perfection aseptisée des discours et des structures » (Scholtus).

    Son amitié faisait de lui une personnalité attachante. Nous étions, c’est vrai, attachés à lui. Nous aurions voulu qu’il poursuivît sa retraite au milieu de nous à Niort. Nous aurions voulu surtout que sa mort fût plus lointaine – nous permettant de lui dire notre reconnaissance. Mais il était temps pour lui de penser à autre chose : la pensée des choses d’ici-bas était devenue trop difficile pour lui. A la veille de la Toussaint, on le réclamait là haut. Nous avons le privilège de le rejoindre maintenant dans cette communion des saints autour du Trône et de l’Agneau qui est notre espérance sans faille, après que ce fut celle de Joseph, notre ami.

    Jacques Bréchoire