• Logo
  • Histoire des évangiles

    3 – la rédaction des évangiles

    Nous avons vu comment, pour les disciples, le besoin de raconter les paroles et les gestes de Jésus était devenu un besoin vital ; comment ces récits oraux avaient commencé à être mis par écrit. La disparition des derniers témoins oculaires exigeait cet effort de mémoire écrite. Mais progressivement, il a fallu passer d’une collection de paroles et de gestes de Jésus à quelque chose de plus élaboré. C’est ainsi qu’est né un genre littéraire absolument unique : l’évangile, dont il existe en tout et pour tout quatre livres.
    Des témoignages très anciens parlent des Evangiles : Papias, évêque d’Hiérapolis (1ère partie du 2ème s.) et Irénée, évêque de Lyon (fin du 2ème s.).Le premier ne mentionne que Matthieu et Marc, le second parle des quatre évangiles.

    Quatre récits sur Jésus

    Nous ne le répéterons jamais assez : les évangiles ne sont pas des « vies de Jésus » telles que nous concevons les biographies aujourd’hui. Ils sont quatre témoignages, divers, de la foi des premières communautés chrétiennes. Chaque auteur écrit pour une communauté bien précise, avec ses questions, son vécu ; l’auteur organise son récit avec un plan différent suivant le message qu’il veut faire passer. L’Eglise, d’ailleurs, n’a jamais accepté de rassembler en un seul ces quatre livres.

    L’évangile selon saint Matthieu

    Matthieu écrit pour une communauté chrétienne d’origine juive, sans doute de Syrie-Palestine (vers les années 80). La séparation est en train de s’opérer avec les communautés juives qui se reconstituent autour des pharisiens après la prise de Jérusalem en 70. Cette séparation se fait dans la douleur. Matthieu est très virulent contre les autorités juives du temps de Jésus : une telle virulence exprime sans doute la souffrance de cette séparation. Lui plus que les autres souligne le refus d’Israël d’accueillir Jésus.
    Outre l’introduction (origine et enfance de Jésus), et le point culminant (passion, mort et résurrection), l’auteur organise son texte en cinq parties alternant récits et discours. Manifestement, il ne veut pas écrire une « vie de Jésus » mais délivrer son message. Notons quelques passages rapportés uniquement par Matthieu : l’épisode des Mages [Mt 2] ; la parabole de l’ivraie [Mt 13] ; le Jugement dernier [Mt 25](« chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ») ; l’apparition aux apôtres du Ressuscité en Galilée et l’envoi en mission [Mt 28] : « allez, de toutes les nations, faites des disciples… ». L’évangile selon Matthieu a été le plus utilisé par la liturgie, jusqu’à la réforme opérée par le Concile Vatican II.

    L’évangile selon saint Marc

    C’est le plus court des trois évangiles. Il a sans doute été écrit aux alentours de l’année 70, pour la communauté chrétienne de Rome. On pense qu’il a servi de base pour les évangiles selon Matthieu et Luc. L’auteur est très marqué par la persécution qui a amené la mort de Pierre et de Paul. Pour lui, tout disciple doit, d’une façon ou d’une autre, être plongé dans la mort de Jésus pour comprendre vraiment qui Il est. C’est sans doute pour cela que, pendant la vie publique, donc avant la passion, les disciples sont présentés comme ne comprenant rien. Et ce n’est qu’un païen, le centurion au pied de la croix, qui donnera, après la mort de Jésus, la clé de compréhension : « Cet homme était vraiment Fils de Dieu ». Dans sa rédaction finale, l’évangile laisse transparaître la difficulté qu’éprouvent les disciples à croire les témoins en la résurrection. Serait-ce notre difficulté à nous, aujourd’hui ?

    L’évangile selon saint Luc

    Cet évangile comporte une suite : les Actes des apôtres. Si on les a séparés dans nos bibles actuelles, c’est pour mettre ensemble les quatre évangiles. Mais, pour la bonne compréhension de l’œuvre de Luc il est important de les rapprocher. Si on met à part l’évangile de l’enfance, on remarque que le ministère de Jésus part de la Galilée pour monter à Jérusalem. C’est dans cette ville que Jésus souffre sa passion, qu’il apparaît vivant à ses disciples et qu’il leur demande d’attendre la venue de l’Esprit Saint. A partir de la Pentecôte, l’Eglise naît à Jérusalem ; elle essaime après la première persécution pour aller jusqu’aux extrémités de la terre symbolisée par Rome. C’est sans doute vers les années 80 que cet évangile a été écrit.
    Luc, grec d’origine, écrit pour des communautés chrétiennes d’origine non-juive. Il insiste beaucoup sur la miséricorde divine. Il insiste aussi sur le danger des richesses. C’est chez lui qu’on trouve certains épisodes les plus attachants : tout ce qui concerne l’enfance de Jésus, vue différemment de Matthieu (les chapitres 1 et 2) ; l’histoire de Zachée (Lc 19, 1-10) ; les paraboles du Bon Samaritain (Lc 10, 29-37), de l’enfant prodigue (Lc 15, 11-32), du pharisien et du publicain (Lc 18, 9-14). ; le dialogue avec le « bon brigand » sur la croix (Lc 23, 39-43) ; la rencontre du Ressuscité avec les disciples sur la route d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) ;

    L’évangile selon saint Jean

    Ce quatrième évangile est très différent des trois autres, par le style et les événements rapportés. Il prend plus la forme d’une réflexion exprimée en longs discours où les mots s’enchaînent les uns aux autres en ajoutant chaque fois une touche complémentaire.
    En même temps, ce n’est pas un évangile « désincarné » ; c’est dans le concret de la vie que le disciple inscrit l’ordre de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12).
    Le récit de la passion comporte beaucoup d’éléments communs avec les trois autres évangiles (avec des différence notoires, en particulier le dialogue avec Pilate). A part cela, Jean innove : il ne rapporte pas le baptême de Jésus, ni l’institution eucharistique. Par contre lui seul raconte les noces de Cana (Jn 2, 1-12) l’entretien avec Nicodème (Jn 3n 1-21), la Samaritaine (Jn 4, 1-42), la guérison de l’aveugle-né (Jn 9, la résurrection de Lazare (Jn 11, 1-44), le lavement des pieds au cours du dernier repas (Jn 13, 1-20), suivi du long discours d’adieu et la prière pour l’unité des disciples : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous, eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21).

    Le chapitre 3 du livre qui inspire ces articles (Rappel : Michel Quesnel : L’histoire des Evangiles) se termine par une question, qui s’impose d’elle-même en face de la diversité et parfois des contradictions apparentes des récits évangéliques : « Qui dit vrai ? ». Il ne serait pas sérieux de traiter en quelques lignes cette question importante, et que beaucoup se posent. Nous essaierons d’y répondre, modestement, à la fin de cette série d’articles.

    Joseph CHESSERON