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  • Marc CHAGALL

    La parabole de l’évangéliste Loukas (15, 11-32) souvent appelée « la parabole de l’enfant prodigue » serait mieux intitulée « la parabole du père miséricordieux », en raison du rôle central que joue le père dans le récit évangélique.

    « Un homme avait deux fils. » Le premier personnage rencontré, dans le texte de Loukas, est le plus jeune. Celui-ci décide de s’émanciper de l’autorité paternelle et réclame, dans la foulée, sa part d’héritage, ce qui est bien son droit. Quelques jours plus tard il quitte le foyer paternel.

    Hélas, la suite est moins drôle, le jeune homme gère mal son héritage ; il était sans doute trop dépensier ; il ne gère pas mieux sa vie et sombre dans la misère : il est engagé pour garder un troupeau de porcs (un comble pour un juif) ; affamé, il en vient même à désirer la pouture des pourceaux.
    Grâce à Dieu, un éclair de lucidité le met sur le chemin du retour vers la maison familiale.

    Le père miséricordieux, pendant ce temps, a laissé ouvertes les portes de son cœur. Un beau matin, le père aperçoit son fils qui pousse le portail d’entrée de la propriété et s’avance, contrit, vers la demeure familiale.

    Le père s’empresse auprès de son enfant, le couvre de baisers : « Mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. » Alors commencent les festivités.
    « Mon enfant était mort, il est revenu. » Le père, on l’a compris, est l’image de Dieu : Dieu est toujours en attente de réconciliation avec le pécheur.

    Dans le récit de l’évangéliste, apparaît le troisième personnage, le fils aîné. En fait, ce fils se comporte curieusement vis-à-vis de son père. Certes, bon travailleur, il a accompli sa tâche dans les champs qui dépendent du domaine ; il a fait son devoir de fils par fidélité et obéissance au père ; mais il s’est fait de son père une mauvaise image ; dans l’accueil du plus jeune fils, le père lui révèle son vrai visage :

    Le Père miséricordieux Georges ROUAULT

    le fils aîné ne reconnaît pas son père dans la démarche de tendresse et d’accueil de son enfant revenu au foyer.
    À la différence du père, le fils aîné refuse l’accueil de son frère ; il refuse le pardon.

    La liturgie pénitentielle a beaucoup utilisé l’image de « l’enfant prodigue » ; il était plutôt flatteur de s’identifier au personnage du jeune fils, certes pécheur, mais accueilli et pardonné par le père, image de Dieu, plutôt que de s’identifier au fils aîné qui s’oppose au père.
    Nous les chrétiens, ne serions-nous pas, parfois, à l’instar du fils aîné, de ceux qui oublient l’accueil de nos frères prisonniers de la misère morale, oublieux du pardon dont Dieu, le Père de la parabole, a fait preuve auprès du fils égaré ?

    Le contexte dans lequel s’inscrit cette parabole est, de toute évidence, la situation du Christ Yéshoua contesté par les pharisiens tout au long de sa vie publique. Certes, ceux-là se montrent rigoureux dans l’observance de la Torah mais ils sont tout autant fermés à l’accueil et au pardon que le fils aîné de la parabole : les pharisiens accusent Yéshoua de « faire bon accueil aux pécheurs et de manger avec eux. » Quant au Christ, il agit à leur égard comme le Père plein de tendresse et de miséricorde.

    Dieu, ton nom est miséricorde

    Père Joseph GUILBAUD

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