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  • Un courrier mensuel,
    le 10 de chaque mois
    André TALBOT
    le 10 Novembre 2021

    Dossier d’information : Éthique sociale en Église N° 38

    + Un regard sur notre monde, pour partager quelques questions et cultiver l’espérance.
    Propos offerts pour être partagés.*

    # DIÈSE : Un demi-ton au-dessus du bruit de fond médiatique.

    1 – Alerte sur le climat : que faire ?
    * Les rapports du GIEC et les débats à la COP 26 de Glasgow alertent sur les graves dangers qui nous menacent avec le réchauffement climatique. Une telle mise en garde oblige à regarder en face une situation qui met en cause nos modes de vie actuels. Nous pouvons encore nous bercer d’illusions en cherchant à résoudre des problèmes techniques un à un, sans nous interroger sur nos conceptions de la vie, sur nos images du bonheur.

    * Un exemple : la sortie du recours massif aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) est perçue aujourd’hui comme une évidence. Mais il n’y a pas de solution magique. Certains vont mettre en avant des « carburants verts » (le bioéthanol comme substitut à l’essence et le diester pour le diésel). Or, pour les produire, on recourt à des déforestations en Asie, en Amazonie, qui ont un effet négatif sur le climat ; on réduit aussi les surfaces consacrées aux cultures vivrières pour les populations locales. Chez nous, du diester peut être produit à partir de colza et de tournesol, mais il faut calculer le bénéfice énergétique qui peut être faible : on consomme des énergies fossiles pour les engrais et les travaux agricoles. La solution véhicule électrique a aujourd’hui le vent en poupe, mais il faut produire l’électricité et on ouvre une autre boîte à débats ! Sans oublier les métaux rares nécessaires pour les batteries. On évoque aussi les perspectives ouvertes par le recours à l’hydrogène, mais comment en assurer la production ?

    Réjouissons-nous de voir se déployer la recherche en ces domaines, tout en regrettant que l’on ait pris tant de retard. Mais restons vigilants sur les conséquences environnementales et sociales de ces innovations en matière énergétique. Apprenons surtout à penser complexe : ne rêvons pas d’une recette miracle !

    * Une autre piste ne relève pas d’abord de la technique, mais de l’engagement humain : la sobriété. Pour certains, c’est un gros mot, parce qu’il a un air moralisant et parce qu’il questionne notre croyance naïve en un progrès confondu avec la surconsommation. La crise peut nous ouvrir les yeux : les risques majeurs auxquels nous sommes confrontés questionnent les ressorts profonds de nos comportements. Notre problème : une posture de toute-puissance vis-à-vis de la nature, du vivant, mais aussi de nos semblables : je domine et j’exploite, je puise et j’épuise, je brûle pour l’idole consommation et tant pis pour les plus faibles ! Le bonheur se trouve alors confondu avec la quantité de biens consommés. Mais il y a bien d’autres joies possibles : le rapport contemplatif à la nature, les solidarités et les rencontres fraternelles. Osons donc mettre en question nos passions mortifères qui conduisent à dominer et à violenter.

    2 – Il faut choisir : domination ou alliance ?
    Osons relier des thématiques fort diverses pour y déceler une posture perverse : l’esprit de domination. Nous comprenons mieux l’attitude prédatrice qui conduit aux catastrophes écologiques. Cette approche éclaire aussi les actes de pédocriminalité  : le statut d’adulte, la supériorité sociale, le pouvoir sacral ouvrent la voie à une domination qui se traduit par une emprise destructrice sur le corps, l’esprit et l’âme d’autrui. On peut encore évoquer les dominations masculines. Sans oublier la perversion du pouvoir lié à l’argent, au statut social, etc. Il ne s’agit pas de tout confondre, mais d’identifier un penchant humain qui affecte gravement les relations.

    Le repérage et la dénonciation des différentes formes de domination sont nécessaires. La mise au jour des emprises permet de voir plus clair. Mais comment éviter qu’un tel travail engendre une guerre sans fin de tous contre tous ? Revenons à nos images du bonheur pour mettre en avant notre désir d’alliance. La domination engendre le malheur, adoptons d’abord une attitude de respect  : la reconnaissance positive de l’autre, surtout s’il est fragile. Le respect n’est donc pas une prudence intéressée, liée à la crainte de rencontrer plus fort que soi. Il s’agit d’un engagement éthique qui rend possible une relation bénéfique tant pour l’un que pour l’autre. Selon des modes divers, on peut parler d’une alliance qui concerne les proches, mais aussi la vie collective, l’organisation de notre commune humanité, sans oublier une relation plus harmonieuse à notre environnement.
    Continuons donc à promouvoir les différents savoirs : les défis actuels nous provoquent à devenir encore plus intelligents ! Mais la conjugaison des savoirs ne suffit pas pour vivre. Il vaut la peine de choisir un chemin et de s’y tenir : le service de la vie en ce qu’elle a de plus fragile. Choisir la vie et non la mort. Chacun peut y prendre sa part.

    3 – Ouvrir l’avenir : justice et solidarité !
    L’esprit de domination règne aussi dans les relations internationales. Il faut résister aux emprises. Mais le repli frileux sur des intérêts particuliers et immédiats n’est pas une voie d’avenir. Il vaut mieux nouer des alliances impliquant les plus fragiles. Nous en sommes loin. À la COP de 2009, les pays riches ont promis 100 milliards de dollars par an pour aider des pays pauvres dont les populations sont les premières victimes des dérèglements climatiques, alors que leur empreinte écologique est faible. Mais ces promesses sont peu honorées, il y a toujours d’autres urgences.

    Dans le monde, les cas de famine sont en augmentation. On note aussi que 260 000 enfants continuent de mourir du paludisme chaque année en Afrique. Et les vaccins contre le COVID arrivent difficilement jusqu’à ces populations. Il est vrai que la faiblesse des institutions, la corruption, les violences et les guerres intestines compliquent la tâche en bien des pays.

    Mais va-t-on alors s’étonner que des jeunes partent chercher ailleurs un avenir de vie ? On érige des murs, on condamne des migrants à la détresse en détruisant leurs abris et leurs maigres affaires pour les dissuader. Et on prétend en plus donner des leçons au monde entier en matière de droits humains. Honte !

    4 – Populisme et élitisme : la démocratie en danger !
    Selon Christophe BOURSEILLER (Ombre invaincue, Perrin, 2021), l’ombre de la Collaboration en France durant la deuxième guerre mondiale continue de planer sur les débats. Il y a d’un côté une vieille idée populiste qui oppose l’intelligence de la foule à la fonction des élus et des divers responsables. De l’autre, une gouvernance des sachants, des techniciens, des managers et autres élites. « Élitisme et populisme forment ainsi les deux faces d’un même Janus. Rien de plus contemporain que ce constat. » (p. 252)
    Du côté populiste, des chefs qui se prétendent seuls capables de traduire ce que veut vraiment la foule. Du côté élitiste, des installés qui confondent leurs intérêts de caste avec ce qu’ils nomment le bien du peuple. Sans oublier de part et d’autre une grande capacité à recourir au mépris. Cultivons plutôt la démocratie comme un échange continu, un engagement citoyen, en contribuant à une belle utopie : la fraternité.

    Rendez-vous dans un mois pour le prochain numéro de # DIÈSE