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  • V La conversion - vocation de Paul

    « …Cet homme est l’instrument que j’ai choisi pour porter mon nom devant les nations et les rois, comme devant les Israélites… » (Ac 9, 15)

    Dans notre parcours à travers les Actes des Apôtres, il nous est apparu important de regarder de près les textes concernant la vocation de Paul. Cela d’autant plus que cet événement capital (d’abord pour l’intéressé lui-même, ensuite pour l’avenir de l’Evangile) est rapporté trois fois dans les Actes : au chapitre 9 (1-30) sous forme de récit, au chapitre 22 (1-21) sous la forme d’un discours de Paul devant les responsables de la nation juive, et au chapitre 26 (1-23), sous la forme d’un discours devant le roi Agrippa et le gouverneur Festus.

    Dans ces trois récits, on retrouve la même trame, mais au chapitre 9, c’est le narrateur qui raconte l’histoire (il parle de Saul à la 3ème personne), tandis que, aux chapitres 22 et 26, la parole est donnée à Paul lui-même, qui raconte sa propre histoire. Cependant, n’oublions jamais que le livre des Actes des Apôtres n’est pas un reportage au sens moderne du terme, mais une « catéchèse » destinée aux croyants représentés par Théophile (Lc 1, 3 et Ac 1, 1). C’est le même auteur qui a composé le récit et les deux discours ; à partir de la même histoire, il fait découvrir des facettes différentes du même message évangélique. Nous allons nous efforcer de découvrir chacune de ces trois facettes.

    trame du récit

    Saul, plein de haine contre les disciples de Jésus, part de Jérusalem pour Damas avec mission, donnée par les responsables Juifs, d’y arrêter ceux qu’on appellera plus tard les chrétiens. Sur la route, il fait la rencontre mystérieuse de Jésus. S’opère alors en lui un complet retournement et, de persécuteur, il devient d’un coup missionnaire. Il doit s’enfuir de Damas, revient à Jérusalem où, non sans mal, il se fait accepter de la communauté. Menacé dans sa vie, il doit fuir de nouveau.

    Première facette : le récit du chapitre 9 = Saul et la Communauté (l’Eglise)

    Dans ce récit, l’accent est mis sur la relation de Saul avec l’Eglise. Il est présenté comme le persécuteur de « la Voie » (2), c’est-à-dire des disciples de Jésus pris globalement. Dans le dialogue sur le chemin (4-5), Jésus s’identifie aux disciples que Saul persécute. Abattu, comme mort (sans voir, ni manger, ni boire » (8-9), il est accueilli par Ananias : représentant de la communauté croyante de Damas ; il s’intègre, par le baptême, à cette communauté. Elle est d’abord réticente, mais c’est elle qui le protège en le faisant s’évader (23-25). Il rejoint la communauté de Jérusalem et s’y fait re connaître, (26-27). Dès lors, il y devient témoin du Seigneur(28), mais son activité attire sur lui la haine (29) : de persécuteur il est devenu persécuté et c’est à nouveau la communauté croyante qui le protége (30). En résumé, l’ennemi de l’Eglise en devient le meilleur serviteur, selon la parole du Seigneur adressée à Ananias et citée en tête de cet article.

    Deuxième facette : le discours du chapitre 22 : Paul reste fier d’être Juif.

    L’activité missionnaire de Paul a suscité bien des haines de la part de ses frères de race. Tout au long de ses voyages en Asie Mineure et en Grèce, il a commencé à s’adresser à eux, mais devant leur rejet, il s’est tourné vers les païens. Malgré les frères qui veulent l’en empêcher (Ac 21, 12), Paul se rend à Jérusalem, et, en dépit de toutes les précautions prises (Ac 21, 17-27), il est arrêté dans le Temple ; il est sauvé de justesse par le tribun, à qui il demande le droit de présenter sa défense. Résumons-la (Ac 22, 1-21) : « Je suis Juif ; j’ai d’abord été un farouche opposant à la Voie, puis, sur le chemin de Damas, j’ai fait la rencontre mystérieuse de Jésus le Nazôréen. Il m’a demandé d’aller auprès d’un de nos frères, Ananias, un homme fidèle à la Loi, qui m’a encouragé, dans la fidélité au Dieu de nos Pères, à m’engager résolument sur ce chemin. J’ai reçu le baptême et, étant retourné à Jérusalem, j’ai été averti par le Seigneur qu’on en voulait à ma vie. Il m’a obligé à partir, en me disant qu’il m’envoyait auprès des nations païennes ».

    En définitive, l’auteur des Actes, par ce discours, démontre que la vraie fidélité au Dieu des Pères, c’est de suivre Jésus et d’ouvrir le salut à tous les hommes. C’est là la vraie mission du peuple élu et c’est en Jésus que s’accomplissent les promesses.

    Troisième facette : le discours du chapitre 26 : Paul, témoin du Christ ressuscité

    Dans ce discours, C’est la vision du Ressuscité qui fait tout basculer. Paul se présente dès l’abord comme un juif rigoureux (pharisien), très religieux et animé par l’espérance de la promesse, qu’il assimile à la résurrection (4-7). Ce qui l’amène en un premier temps à persécuter l’Eglise (9-11). Mais il ne peut résister à la rencontre du Ressuscité sur le chemin de Damas. Pour focaliser l’attention du lecteur sur cette rencontre, l’auteur laisse de côté des éléments aussi important que la personne d’Ananias, le baptême de Paul ou l’opposition des gens de Damas, pour ne retenir et amplifier que le dialogue avec Jésus (14-18). Paul va trouver dans cette rencontre la force pour accomplir sa mission tant auprès des juifs que des païens (20-21). Les Juifs qui l’ont arrêtés n’ont pas compris que Jésus réalise, par sa mort et sa résurrection ce que Moïse et les prophètes avaient annoncé. «  Le Christ a souffert et lui, le premier à ressusciter d’entre les morts, il doit annoncer la lumière au Peuple et aux nations païennes » (23).

    Conclusion : bref retour sur le titre cet article.

    Dans les sous-titres de nos différentes bibles à propos de cet événement, on trouve soit « Conversion de Paul », soit « Vocation de Paul ». Le premier insiste sur l’aspect personnel de l’événement, le second sur sa dimension missionnaire, ecclésiale. Nous avons choisi … de ne pas choisir pour le titre de cet article. En effet il semble important de souligner à la fois le retournement radical de Paul dans sa relation personnelle avec Jésus, mais aussi sa mise en route immédiate au service de celui qui vient de bouleverser sa vie.

    Question pour nous : Dans la « culture individualiste » qui sévit actuellement, est-ce que les chrétiens comprennent toujours que la rencontre personnelle avec le Christ implique nécessairement une fidélité inébranlable au message évangélique (donc son approfondissement) et un engagement solide et durable au service de ce corps du Christ qu’est l’Eglise ?

    Joseph CHESSERON