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  • IV Pierre et le centurion Corneille : l’entrée des païens dans l’Eglise

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    Dans notre étude sur les Actes des Apôtres, nous avons publié intégralement l’histoire de la rencontre de Pierre et du Centurion Corneille à Césarée et des réactions de l’Eglise de Jérusalem. Nous invitons le lecteur à s’y reporter. Pour cette fiche, nous en faisons un bref résumé Puis, nous mettrons en évidence le fil conducteur de ce récit. Nous essayerons d’en souligner l’importance. Enfin, nous tenterons de voir en quoi ce texte est porteur d’un message essentiel pour l’Eglise d’aujourd’hui, et, en conséquence, pour l’humanité.

    Le récit et ses trois étapes (résumé)

    Les visions croisées de Corneille et de Pierre

    (Ac 10, 1-23a)

    Un centurion romain de Césarée (un païen très favorable aux Juifs) a une vision : il est invité à faire venir Pierre chez lui. Il lui envoie des messagers à Joppé. Pendant ce temps, Pierre, lui aussi a une vision étrange : une toile descendant du ciel contenant toutes sortes d’animaux dont un bon juif ne doit pas manger la viande. Une voix l’invite à en manger. Pierre, naturellement, refuse. A ce moment surviennent les messagers de Corneille. Pierre les suit.

    Pierre chez Corneille à Césarée

    (Ac 10, 23b-48)

    Corneille l’accueille en racontant sa propre vision. Pierre comprend ce que Dieu a voulu lui révéler : les païens aussi ont accès au salut. Il expose à ces gens réunis le cœur de la foi : tout ce qui concerne Jésus, en particulier sa mort et sa résurrection. En lui tout homme reçoit le pardon de ses péchés. A ce moment, l’Esprit, comme une nouvelle Pentecôte, s’empare de tous ces gens. Pierre décide de leur donner le baptême et il reste chez eux quelques jours.

    Pierre à Jérusalem pour rendre compte de son action auprès des païens.

    (Ac 11, 1-18)

    Le retour de Pierre à Jérusalem est plutôt houleux. La communauté, d’origine juive pratiquant toujours la Loi, lui demande des explications : il est allé loger chez des païens ! Pierre raconte à nouveau toute l’histoire. La justification de son attitude, qui emporte l’adhésion de l’assemblée, est résumée par le v. 17 : « S’ils ont reçu le même don que nous, en croyant au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu ? »

    Importance du récit

    Prenons tout d’abord du recul par rapport au récit. Le projet de Luc, c’est de montrer que le message évangélique doit atteindre tous les hommes : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

    En même temps il s’efforce, dans le récit lui-même, de présenter les diverses communautés chrétiennes en relation les unes avec les autres : la présence de Saul (Paul), futur apôtre des païens, au martyre d’Etienne est mentionnée avant la dispersion de la communauté de Jérusalem et l’action de Philippe en Samarie et le baptême de l’eunuque éthiopien ; Pierre et Jean, envoyés par l’Eglise de Jérusalem, vont en Samarie pour confirmer l’Eglise fondée par Philippe. La conversion – vocation de Paul, est racontée avant l’action de Pierre en direction de ces mêmes païens dans la personne de Corneille ; Pierre justifie son action en faveur de Corneille, devant l’Eglise de Jérusalem rassemblée et inquiète. Cette même Eglise de Jérusalem approuve l’action de Paul en faveur des païens.

    Par cet entrelacement , l’auteur poursuit un but précis : montrer que c’est le même Esprit qui agit en même temps à travers des personnes diverses, dans des Eglises diverses se réclamant de tel ou tel apôtre. Ces Eglises doivent tenir compte les unes des autres et rester unies, quelles que soient leurs origines.

    Pour en revenir au récit lui-même, le problème posé et résolu pourrait se résumer ainsi : l’Eglise naissante va-t-elle rester enfermée dans le cadre étroit de la tradition juive symbolisé par le refus de Pierre de manger des viandes interdites (Ac, 10, 13-15) ou va-t-elle s’ouvrir à l’universel : Pierre (Ac 9, 43) loge chez un homme au métier impur (le tanneur est en contact avec le sang) ; il reçoit des étrangers (Ac 10, 23) ; il est accueilli chez un étranger : Corneille. C’est bien ce qu’on lui reproche à Jérusalem (Ac 11, 3) ?

    La réponse est donnée de la part de Dieu par le don de l’Esprit (Ac 10, 445) et de la part de l’Eglise par le tout dernier verset du récit (Ac 11, 18) : En entendant ces paroles, ils se calmèrent et rendirent gloire à Dieu en disant : « Voici que les païens eux-mêmes ont reçu de Dieu la conversion qui fait entrer dans la vie)

    Message pour nos Eglises et pour notre monde aujourd’hui

    Qu’est-ce qui est demandé à Pierre, et, à sa suite, aux Eglises et à l’humanité de tous les temps ? C’est de changer son regard sur l’autre, sur l’étranger. Il n’est plus l’ennemi dont on doit se méfier, l’impur qui va nous souiller. Il est le frère qui est aimé de Dieu « tout comme nous ». Cet épisode inscrit l’universel dans les gènes de l’Eglise.

    En conséquence, chacun est invité à repousser toute tentation de repli sur soi, de crispation sur des habitudes et des certitudes qui ferment la porte aux autres. Les réflexes identitaires, les communautarismes dressent des barrières entre les hommes, alors que, par ce texte, nous sommes invités à un véritable œcuménisme, qui ne se limite pas au rapprochement avec « les frères séparés » chrétiens. En effet, ce mot vient d’un mot grec qui signifie, la terre habitée, la maisonnée à l’échelle de l’humanité. La « maison humaine » doit être la maison de la fraternité, d’où nul ne se sente exclu.

    Ce texte invite aussi les chrétiens à être attentifs à l’action de l’Esprit au-delà des limites de l’Eglise visible (« Quelqu’un pourrait-il empêcher de baptiser par l’eau ces gens qui, tout comme nous, ont reçu l’Esprit Saint ? »). A nos portes comme au bout du monde, l’Esprit de Dieu agit dans le cœur des hommes. Il nous précède sur les routes humaines.

    Dernière leçon : les frères de Jérusalem demandent des explications et Pierre les donne. Il y a donc dialogue pour plus de compréhension. Dans quelque organisation que ce soit, prenons-nous le temps de l’échange pour vivre dans la clarté et la vérité ? Bien des conflits seraient tués dans l’œuf si on prenait le temps de se parler, à condition de se mettre en état d’accueillir la part de vérité qui est dans l’autre.

    Joseph CHESSERON