• Logo
  •  
     Homélie du dimanche 12 janvier 2014 en l’église Saint-Hilaire de Niort
    (Is 42, 1-4.6-7 ; Ac 10, 34-38 ; Mt 3, 13-17)
     
    Fête du baptême du Seigneur et fête de saint Hilaire, entrée dans une année nouvelle et envoi en mission d’une catéchète pour la ville, tels sont les motifs d’action de grâce en ce jour et ils nous réjouissent le coeur. La douce et fragile lumière que nous avons accueillie dans la nuit de Noël sous les traits de l’enfant-Dieu illumine jusqu’à cette fête qui ouvre vers le temps ordinaire de l’Eglise.
     
    Dans le récit de l’évangile, Matthieu souligne l’initiative de Jésus qui vient vers Jean pour se faire baptiser (v. 13). Pourquoi Jésus reçoit-il le baptême de conversion alors qu’il est sans péché ? Est-ce à dire que Jean est plus grand que lui ? Un tel geste de la part de Jésus a de quoi troubler les disciples. L’évangéliste dissipe toute équivoque car Jean a déjà prêché le baptême que Jésus vient inaugurer et il a annoncé qu’il n’était pas digne de lui retirer ses sandales (v. 11). Il affirme que c’est à lui de se faire baptiser (v. 14), mais c’est Jésus qui insiste : ainsi doit s’accomplir toute justice (v. 15). Pour Matthieu, la justice a un sens religieux : il s’agit de faire juste, c’est-à-dire de vivre ajusté à Dieu. C’est alors que nous répondons à notre vocation. Ce qui s’oppose à notre ajustement à Dieu, c’est l’autosuffisance qui nous tient à distance de l’appel de Dieu. Il est donc juste – c’est-à-dire conforme à la volonté du Père – que Jésus manifeste sa solidarité avec ceux qui se convertissent pour accueillir le Règne de Dieu ; il est juste aussi que Jean le Baptiste découvre un Messie humble, frère de l’humanité blessée par le Mal et le péché.
     
    « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour ». Le Oui solennel du Père se dit par un psaume d’intronisation royale (Ps 2, 7), par la figure d’Isaac à l’heure du sacrifice préfigurant l’heure de la Croix (Gn 22, 2), par le prophète Isaïe comme nous l’avons entendu en 1ere lecture (Is 42, 1). Ainsi, de la Genèse aux prophètes en passant par les psaumes, Dieu nous invite à confesser la vocation royale de son Fils, son Unique, vocation aujourd’hui révélée sur les bords du Jourdain. « Chantons la gloire de la chair d’Adam […]. La mort n’est plus la loi commune à l’existence terrestre » comme l’écrit saint Hilaire (Hymne n° 3).
     
     
    Frère et soeurs, nous fêtons saint Hilaire de Poitiers ce même jour que le baptême du Seigneur. Probablement d’une famille riche et aisée, Hilaire est né au IVe siècle dans un milieu païen. Il s’intéresse à la destinée de l’homme et découvre la Bible. Hilaire est marqué par la révélation de Dieu à Moïse (Ex 3, 14) puis il découvre le Prologue de l’évangile selon saint Jean (Jn 1, 1-14). Il devient catéchumène et reçoit le baptême. A la mort du responsable de la communauté chrétienne, il est élu évêque de la cité. « Insigne docteur de l’Eglise » comme l’écrit saint Augustin, Hilaire joue un rôle décisif en un temps où la crise arienne met gravement en péril la foi du concile de Nicée et l’unité de l’Eglise. Dans ces années troublées, il est exilé par l’empereur pendant quatre années dans la Turquie actuelle.
     
    En confessant la foi trinitaire, Hilaire manifeste son attachement au baptême. Dans ce sacrement, il reconnaît la référence de toute sa vie. Cette référence baptismale est d’autant plus remarquable qu’Hilaire fait peu de confidence sur lui-même. Tout chrétien est d’abord un baptisé qui est né à la vie trinitaire. Faisons nôtre ce matin sa propre prière : « Père saint, je t’en prie, conserve intacte la ferveur de ma foi, et jusqu’à mon dernier souffle, donne-moi de
    conformer ma voix à ma conviction profonde. Que je garde toujours ce que j’ai affirmé dans le symbole proclamé lors de ma nouvelle naissance, lorsque j’ai été baptisé dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Que je t’adore, toi notre Père, et ton Fils qui est avec toi ; fais que j’obtienne ton Esprit Saint qui procède de toi, par ton Fils unique » (Traité sur la Trinité XII, 57). Pour Hilaire, c’est par la foi que nous vivons dans la communion de l’Eglise (Traité sur la Trinité VIII, 7).
    A l’heure où le diocèse prépare les paroisses nouvelles, nous devons comprendre – de l’intérieur de notre foi – qu’il ne s’agit pas d’abord d’une nouvelle organisation qui changera des habitudes et des manières de faire. Il s’agit, avant tout, d’un moment favorable pour aller aux sources vives de la foi, pour entendre l’appel du Christ à une conversion personnelle et pastorale, pour témoigner de notre dignité baptismale. Ce qui est en jeu, c’est l’annonce de l’Evangile dans les conditions nouvelles de notre temps. C’est l’expérience que la foi, dans sa nature même, nous transforme et nous transfigure. Il n’est pas l’heure de traiter avec Dieu d’affaires de peu d’importance, comme l’écrivait en son temps Thérèse d’Avila. Il est l’heure de vivre dans la confiance profonde que Dieu lui-même nous précède en toute chose. Il est l’heure pour les baptisés – membres du saint Peuple de Dieu – de se conduire en disciples-missionnaires du Christ. Il est l’heure de témoigner de la joie de l’Evangile et du visage de l’Eglise comme communion fraternelle. La paroisse est appelée à devenir communion de communautés locales ou encore « communauté de communautés » selon l’expression du pape François. Tel est le témoignage attendu dans une société marquée par de profondes inquiétudes et par de multiples formes de solitude. Saurons-nous vivre en disciples du Christ par une qualité de relations fraternelles et par une qualité d’initiatives missionnaires ?
    Hilaire a été un pasteur remarquable de foi et de discernement. Nous désirons en ce jour prier Dieu notre Père de donner à son Eglise – et donc à notre diocèse – des pasteurs selon son coeur, prêtres à la manière des Apôtres, détachés d’eux-mêmes et de toute volonté propre, serviteurs de la communion entre tous, ardents à faire le bien, humbles dans l’écoute de l’Esprit à l’oeuvre dans les langages du monde, capables de discerner les signes des temps, courageux pour annoncer l’Evangile, audacieux pour ouvrir des chemins d’avenir.
    Frères et soeurs, que cette année nouvelle nous trouve disponibles de coeur et vigilants dans la foi pour accueillir ce que Dieu nous donnera à vivre et pour répondre, jour après jour, à son appel. Amen,
    Père Jean-Paul Russeil
    Vicaire général