• Logo
  • La guérison d’une femme infirme (Luc 13, 10-17)

    Luc n’avait pas donné de récit de miracle depuis 9, 50 et il n’en rapportera que 3 autres d’ici à la fin du récit du voyage (Luc 19, 28).

    La raison d’être des guérisons n’est plus de conduire les spectateurs à se poser la question de l’identité de Jésus (cf. Luc 11, 14). Propre à Luc, tout comme le passage précédent auquel le relie le chiffre « 18 » (Luc 13, 4.11.16), celui-ci est surtout l’occasion d’une dispute concernant le sabbat.

    Cette controverse sur les guérisons que Jésus opère le jour du sabbat relève du même genre littéraire que Luc 6, 6-11 et 14, 1-6.

    Cette notation chronologique fondamentale, se croise avec une localisation non moins significative : c’est dans une synagogue un jour de sabbat, qu’une « fille d’Abraham » (verset 16), membre du peuple élu, est délivrée de sa maladie, libérée de l’esclavage dans lequel « Satan » la tenait. Littéralement cette femme est « possédée d’un esprit d’infirmité ».

    Cette maladie est attribuée à une action satanique (cf. Luc 11, 4, où la tentation est attribuée à Satan). On peut traduire : « elle ne pouvait absolument pas se redresser ». Elle est incapable de relever la tête, tel un être libre, elle est courbée, « liée par Satan », ainsi que l’explicitera Jésus, spontanément, Jésus lui déclare qu’elle est libérée de sa maladie, mais ne lui donne pas d’ordre du genre « Relève toi ! ». Il accomplit un geste souvent lié au rite d’exorcisme (cf. Luc 4, 40). Littéralement, « Aussitôt, la femme fut redressée » : comme dans le constat de Jésus, le verbe au passif indique l’œuvre divine.

    La femme, ne s’y trompant pas, se met alors à exalter Dieu dans cette guérison dont l’éclat suscite sa gratitude. Contrairement aux récits de miracle antérieurs, elle est seule à réagir de la sorte ; c’est l’argumentation de Jésus qui fera sortir la foule de sa réserve (Luc 13, 17).

    Surgit alors la question du « jour du sabbat » (Luc 13, 14-16). Comme les scribes et les pharisiens, en Luc 6, 7, le chef de la synagogue est indigné de la guérison, qu’il considère comme un travail. Mais n’osant pas attaquer Jésus de front, il s’en prend à la foule … qui n’est pourtant pas là explicitement pour se faire guérir (cf. Luc 5, 15 ; 6, 18). Jésus traite littéralement cette foule « d’hypocrite », employant ici le même mot qu’en 6, 42, dans la parabole de la paille et de la poutre.

    Le chef de la synagogue rappelle que l’interdiction de tout travail le jour du sabbat fait partie du plan éternel de Dieu (cf. Exode 20, 9) : il faut travailler seulement six jours.

    Emanant de celui qui est le « Seigneur », le maître du sabbat, la réponse stigmatise les hypocrites : le chef de la synagogue et tous les autres adversaires sont de ces gens qui ne veulent pas discerner la nouveauté des temps (cf. Luc 12, 56). Jésus cite le comportement de chacun d’eux qui, le jour du sabbat, délie un animal pour qu’il puisse s’approcher de ce qui est nécessaire à la vie : l’eau – cela est d’ailleurs présupposé par la législation rabbinique.

    Et par un argument a fortiori, il applique ce fait hebdomadaire à la situation de la femme qui, elle aussi, était liée. Il fait appel à la pratique courante des villageois, et à leur bon sens. Pour Jésus, le sabbat, jour du Seigneur, est par excellence le jour du Salut. Reprenant ironiquement l’expression « il faut », employée par le responsable religieux, il affirme ceci : qu’une telle guérison ait lieu le jour du sabbat appartient au plan de l’histoire du Salut.

    Jésus est maître du sabbat (cf. Luc 6, 5), car il ne sait pas seulement que l’intégrité de l’être humain prend le pas sur la nécessaire observance du précepte (cf. Luc 6, 9) ; il révèle la vraie signification de cette institution divine, qui est de libérer l’être humain de toute contrainte.

    En prenant lui-même l’initiative de « délier » cette femme, ce jour-là, de l’esclavage de Satan, Dieu a poursuivi en sa faveur l’œuvre de libération entreprise lors de l’Exode ; par Jésus, son envoyé, il redonne son identité de femme libre à cette « fille d’Abraham ».

    C’est alors que toute la foule se réjouit (verset 17), ce que le miracle n’avait pas encore suscité (verset 13).

    Père Jean-Marie Loiseau
    15 mars 2018