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  • Les origines des Evangiles

    Avant de parler des origines des Evangiles, il est bon de répondre à quatre questions.

    1- De quelle mémoire disposaient les auteurs : mémoire écrite ou orale ? 2-Quelles étaient les conditions de l’écriture dans l’Antiquité ? 3- Quelle était la langue des Evangiles ? 4- Qu’est-ce que les évangiles apocryphes ? quelle est leur valeur historique ?

    Pour répondre à ces questions, je me suis inspiré, en les résumant, des réponses contenues dans un petit livre très accessible et sûr : « L’histoire des Evangiles », de Michel Quesnel, le Cerf/Fides – 1ère édition 1987. J’ai sous les yeux l’édition de 2000. 123 pages. J’en recommande la lecture. Il me servira d’ailleurs pour la suite de mon travail. Je le présenterai plus en détail à la fin de cet article.

    Mémoire écrite ou mémoire orale ?

    Dans le monde d’aujourd’hui, la mémoire écrite (et la mémoire d’image) est privilégiée par rapport à la mémoire orale. Cela ne fonctionnait pas ainsi dans l’Orient antique, en particulier en Palestine au temps de Jésus. A la synagogue, on lisait la Bible écrite en hébreu. Elle était traduite immédiatement dans la langue parlée, l’araméen. ces traductions n’ont été mises par écrit que bien plus tard.

    Même si une proportion importante de juifs, y compris chez les gens simples, savaient lire et écrire, il paraît invraisemblable que des auditeurs de Jésus aient pris des notes pendant ses discours ou le soir à l’étape, les conditions matérielles ne le permettant pas. Dans notre monde où la trace écrite est primordiale, nous avons de la peine à admettre que, dans l’Antiquité orientale, l’on faisait autant confiance à l’oral qu’à l’écrit. Selon toute vraisemblance aucun texte rapportant les paroles et les gestes de Jésus n’a été écrit du vivant de Jésus. Plus fondamentalement, il y va de la compréhension même du témoignage : la « mémoire de foi » écrite dans le cœur aurait-elle moins de valeur qu’un texte écrit sur un bout de papier, l’un n’excluant pas l’autre ?

    Quelles étaient les conditions de l’écriture dans l’Antiquité ?

    Par ailleurs les conditions matérielles d’écriture ne permettaient pas de prendre des notes comme aujourd’hui. Dans une période plus reculée, on écrivait sur des tablettes d’argile, séchées ensuite. Des fouilles ont permis d’en découvrir beaucoup, notamment en Mésopotamie, l’Irak actuel. Du temps de Jésus, on écrivait sur d’autres matériaux, le papyrus, matériau fragile et relativement cher, fait à partir d’une plante originaire d’Egypte, ou sur du parchemin, plus solide mais plus cher encore, fait de peau de chèvre ou de mouton préparée spécialement pour l’écriture. Ce mot parchemin vient du nom de la ville de Pergame, en Asie Mineure, qui en avait fait sa spécialité.

    Scribe etait un métier qui demandait une formation assez longue et était le plus souvent rémunéré. Le scribe préparait lui-même son encre et son instrument pour écrire : le calame, fait à partir de roseaux ou de joncs. On écrivait lentement, trois syllabes à la minute, ce qui fait qu’il a fallu une centaine d’heures pour rédiger l’Epître aux Romains ou l’Evangile de Marc. De telles conditions rendent tout à fait improbable l’hypothèse selon laquelle les Evangiles auraient été écrits quasiment « sur le vif ».

    Quelle était la langue des Evangiles

    Tous les textes du Nouveau Testament nous sont parvenus en grec, la langue commune (la « koïnè ») de tout le bassin méditerranéen de l’époque, qui jouait le même rôle que l’anglais aujourd’hui.

    Les textes des Evangiles ont-ils été écrits directement en grec ? la question ne se pose pas pour Luc dont le grec est la langue maternelle. Il ne semble pas que les textes de Marc et de Jean soient des traductions, malgré de nombreuses tournures sémitiques, le grec n’étant pas leur langue maternelle. Par contre, des écrivains du 2ème siècle, Papias et Irénée, affirment que Matthieu a été écrit en « langue hébraïque », c’est-à-dire en araméen, langue sémitique proche de l’hébreu, et qui était la langue maternelle de Jésus. Un certain nombre de scientifiques actuels mettent en doute ces affirmations. Quoi qu’il en soit, on n’a trouvé nulle part un manuscrit « hébreu » de Matthieu.

    Qu’est-ce que les évangiles apocryphes ? Quelle est leur valeur historique ?

    Nous connaissons les quatre Evangiles (Matthieu – Marc – Luc – Jean), mais il existe d’autres textes d’origine chrétienne que l’on a l’habitude d’appeler « apocryphes », Ascension d’Isaïe, Actes d’André, de Jacques, de Jean, de Thomas…On connaît aussi l’Evangile de Pierre, des Nazaréens, des Ebionites, des Egyptiens. Le plus connu est l’Evangile de Thomas, qui est la compilation de 114 sentences attribuées à Jésus. Ce sont des textes datant, au plus tôt, du 2ème siècle et qui ont pour point commun de ne pas avoir été reçus dans le « canon des Ecritures », c’est-à-dire dans la liste officielle des livres dans laquelle Communauté Chrétienne reconnaît la foi commune.

    Certains les rejettent totalement car ils seraient entachés d’hérésie, d’autres au contraire leur attachent beaucoup d’importance et voudraient y voir enfin ce que l’Eglise aurait délibérément caché (c’est le sens du mot apocryphe). Les uns et les autres se trompent. D’un côté, ils ne présentent pas l’intérêt dogmatique ou historique qu’on leur prête. L’enfance de Jésus, contrairement aux Evangiles canoniques, est souvent présenté sous un jour merveilleux de mauvais aloi. Cependant, ils reflètent assez bien l’ambiance religieuse de l’époque où ils ont été écrits. C’est leur plus grand intérêt.

    Nous aurons l’occasion de revenir sur tout cela, dans les articles qui vont suivre et qui prendront les titres du livre de Michel Quesnel mentionné plus haut :

    I A la source (autour de la personne de Jésus)

    II. L’élaboration des récits (de l’oral à l’écrit)

    III. La rédaction des évangiles (des sources diverses aux textes actuels)

    IV. Le choix (pourquoi ces quatre textes et pas d’autres ?)

    V. La transmission (comment ces textes nous sont parvenus)

    Enfin, toujours en nous appuyant sur le livre de M. Quesnel, constatant la variété des récits évangéliques, apparemment parfois contradictoires, nous essayerons de répondre à la question :

    Qui dit vrai ?

    Joseph CHESSERON