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  • En cette période estivale, dominée dans la liturgie par la fête de l’Assomption, l’équipe de rédaction du ‘Blé Qui Lève’ m’a demandé de proposer à la réflexion de ses lecteurs un texte biblique sur la mère de Jésus. Mon choix s’est porté sur l’Evangile selon Jean.
    Ce qui frappe à première vue dans cet Evangile, c’est son extrême discrétion à l’égard de la mère de Jésus. Nous reproduisons ci-dessous les deux seuls passages où il est question d’elle. Le premier raconte le « signe de Cana » (Jn 2, 1-12), le second rapporte les paroles que Jésus en croix adresse à sa mère et au disciple qu’il aimait (Jn 19, 25-27). Il est à noter que son nom n’est pas mentionné une seule fois dans cet Evangile, qui se contente de dire « la mère de Jésus » ou « sa mère ». Ces termes sont employés quatre fois dans chacun de ces deux passages.


    Jean 2, 1-12

    1 Or, le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là. 2 Jésus lui aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples. 3 Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit : " Ils n’ont pas de vin. " 4 Mais Jésus lui répondit : " Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. "
    5 Sa mère dit aux serviteurs : " Quoi qu’il vous dise, faites-le. " 6 Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs ; elles contenaient chacune de deux à trois mesures. 7 Jésus dit aux serviteurs : " Remplissez d’eau ces jarres " ; et ils les emplirent jusqu’au bord. 8 Jésus leur dit : " Maintenant puisez et portez-en au maître du repas. " Ils lui en portèrent 9 et il goûta l’eau devenue vin - il ne savait pas d’où il venait, à la différence des serviteurs qui avaient puisé l’eau -, aussi il s’adresse au marié 10 et lui dit : " Tout le monde offre d’abord le bon vin et, lorsque les convives sont gris, le moins bon ; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! "
    11 Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. 12 Après quoi, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples ; mais ils n’y restèrent que peu de jours.

    Jean 19, 25-27

    25 Près de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. 26 Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : " Femme, voici ton fils. " 27 Il dit ensuite au disciple : " Voici ta mère. " Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui.


    Au début et à la fin

    La discrétion de l’Evangile selon Jean à l’égard de Marie (appelons-la ainsi désormais, malgré ce que nous venons de dire à l’instant) voudrait-elle dire qu’elle n’a pas beaucoup d’importance à ses yeux ? C’est juste le contraire. En effet, Marie est présente à la toute première manifestation (le premier signe) de Jésus et à la fin de sa vie terrestre. Les spécialistes appellent cela une « inclusion » pour signifier la place de choix des personnages dans les moments décisifs du récit, une place qui englobe tout ce qui sera dit entre ces deux pôles. En mettant Marie au début et à la fin du récit évangélique, l’auteur veut dire qu’elle est présente à toute la vie de Jésus.

    Sa présence à Cana
    N’interprétons pas la première réponse de Jésus comme une incorrection de la part de Jésus à l’égard de sa mère. En fait, ce n’est qu’une manière de dire : « Laisse faire : chaque chose en son temps. » Retenons bien ce que dit Jésus : « Mon heure n’est pas encore venue ». Autrement dit ; « Le moment n’est pas venu où je vais accomplir ce que le Père m’a demandé de faire : donner ma vie pour le salut de tous les êtres humains ». En disant : « Faites tout ce qu’il vous dira », Marie ne s’adresse pas seulement aux serveurs mais à tous ceux à qui Jésus va parler dans toute la suite de l’Evangile, Elle s’adresse aussi aux croyants d’aujourd’hui ; être disciple, c’est écouter la parole de Jésus et la mettre en pratique. En cela, Marie est déjà symbole de l’Eglise.

    Sa présence à la Croix

    Présente au début, elle l’est aussi à la fin, quand « l’heure » est venue (Jn 2, 4). Ne nous trompons pas sur le sens de ce mot fin. Ici il signifie l’accomplissement total de la mission de Jésus, comme il dira lui-même dans ses derniers mots : « Tout est accompli. ». Marie y a pleinement sa place. Elle est plus que jamais symbole de l’Eglise, de cette Eglise que représente le disciple que Jésus aime et ceux qui, avec lui, constitueront le peuple des croyants. Jésus s’en va, comme il l’avait annoncé à ses disciples, mais il ne les laisse pas orphelins. Leur lieu pour exister, c’est la communauté des croyants dont Marie est le symbole.
    En même temps, le disciple que Jésus aimait prend Marie chez lui. Quand on accueille quelqu’un chez soi, on en devient responsable. Chaque croyant, comme le disciple, prend chez lui Marie, c’est-à-dire l’Eglise. Il reçoit la charge de traiter cette Eglise comme une mère, de l’aimer et de la faire vivre. Sans oublier que, membre d’une même famille, il devient responsable de ses frères et sœurs dans la foi.

    Un Evangile trop discret ?

    Qui entend le blé pousser ? Quoi de plus discret que la source d’un fleuve ? Les fondations d’une maison, si importantes pour sa solidité, nul ne les voit ! L’Evangile selon Jean, nous l’avons vu, est discret sur la mère de Jésus. Pour autant, Marie serait-elle moins efficace, aurait-elle moins d’importance, parce qu’on parle moins d’elle ? Ne s’inscrit-elle pas dans la logique du Magnificat : « Le Seigneur renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles ». Elle est, comme Jésus, dans la logique du service : « Je suis la servante du Seigneur » - « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir ». Puissions-nous, à l’image de Jésus et de Marie, devenir d’humbles serviteurs de Dieu et de nos frères !

    Joseph CHESSERON