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  • Le désert

    La Bible connaît un certain nombre de « lieux symboliques » : la mer, l’eau, la montagne... Par exemple, la mer, pour les Hébreux, représente le lieu où réside le mal ; la montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu. Quant à l’eau, elle peut à la fois signifier la mort et la vie… Le désert revêt, dans le récit biblique, une importance capitale. Nous l’abordons pour ce temps de Carême. Le premier article sera consacré à en observer les différents aspects dans l’Ancien Testament. Puis, dans un deuxième article, nous verrons quelle place il tient dans la vie de Jésus et de l’Eglise. Pour ce travail, je me suis inspiré de l’article ‘Désert’ du Vocabulaire de Théologie Biblique ; Editions du Cerf, Paris 1966.

    Introduction

    Dieu donne au désert une signification radicalement nouvelle

    Au départ, le désert est une terre que Dieu n’a pas bénie. peu d’eau, une maigre végétation (Gn 2, 5) ; comment y habiter (Is 6, 11) ? Le désert est habité par des êtres malfaisants. C’est un lieu de malédiction. Or c’est par ce lieu que Dieu a voulu faire passer son peuple (Dt 1, 19) pour le faire entrer dans la Terre Promise où coule le lait et le miel. Le désert reste bien un lieu difficile, mais par lui, Dieu va réaliser son projet pour son peuple.

    I- En marche vers la Terre Promise

    1 le projet de Dieu pour son peuple

    En effet , en choisissant le chemin le plus long vers la Terre promise, Dieu veut faire des Hébreux, cette horde de pauvres gens, un peuple bien à lui (son projet vise en fait l’humanité tout entière). C’est là qu’ils doivent venir adorer, sous la conduite de Moïse (Ex 3, 17…). C’est là aussi qu’ils vont recevoir la Loi (Ex 20 – Dt 5). Le désert devient un lieu privilégié de rencontre de Dieu, mais ce n’est qu’un lieu de passage.

    2 l’infidélité du peuple

    Très vite, le peuple va regretter la sécurité que représentait la vie en Egypte. Tout au long du parcours, les Hébreux vont « murmurer », c’est-à-dire se révolter, contre le Seigneur et son serviteur Moïse (Ex 14, 11 ; 16, 28 ; 17, 2 ; Nb 14, 2 ;16, 13 ;21, 5) : pas de sécurité, pas d’eau, pas de viande ! Entre la vie ‘facile’ d’esclave relevant du passé, et la liberté ‘difficile’ tournée vers l’avenir, le peuple penche vers le passé. Le désert révèle le cœur de l’homme incapable de surmonter l’épreuve et de faire confiance à Dieu.

    3 Dieu manifeste sa miséricorde

    Pour autant, Dieu n’abandonne pas son projet. Il donne à son peuple nourriture et boisson : la manne (Ex 16) et l’eau du rocher (Nb 20) ; il le sauve de la morsure des serpents : le serpent d’airain (Nb 21). Dieu, tout au long du récit biblique de la traversée du désert, laissera éclater sa sainteté et sa gloire (Nb 20), si bien que, dans le souvenir du peuple, le désert sera moins le lieu de son infidélité que celui de la fidélité et de la miséricorde de Dieu.

    II- Comment le peuple revit ce temps fondateur

    1 Invitation à la conversion

    Le Deutéronome (Dt 8, 2.15.18) appelle le peuple entré dans la Terre Promise à se souvenir du désert comme du temps merveilleux de la tendresse de Dieu, source de toute vie. La sobriété du culte du désert rappelée par le prophète Amos (Am 5, 25) exige de ne pas se contenter d’une piété formaliste. Le souvenir des désobéissances invite à la conversion. Ce thème est abondamment exploité par les psaumes : Ps 78, 17s - Ps 95, 7s = ne pas tenter Dieu ; Ps 106, 13s = être patient comme Dieu ; Ps 78 ; 106 = accueillir sa miséricorde …

    2 Les merveilles de Dieu

    Petit à petit, le désert n’est plus envisagé comme un lieu de châtiment, mais le lieu où se sont déployées les merveilles de Dieu. C’est pourquoi le prophète Elie, en plus du refuge, va y chercher un ressourcement en vue des combats futurs (1R 19). Dieu, en Osée 2, 16, va conduire au désert l’épouse infidèle (Israël idolâtre), pour y revivre le temps des fiançailles. La manne devient « nourriture céleste » (Ps 78, 24). Le souvenir de ces dons rappelle que Dieu, aujourd’hui encore, est le Dieu fidèle, un père aimant (Os 11), un pasteur (Is 40, 11 ; 63, 11-14). Comment ne pas avoir pleine confiance en lui (Ps 81, 11) ?

    3 Le désert idéal

    Certains ont pris cette idéalisation du désert au pied de la lettre, ainsi qu’il est raconté au ch.35 du livre de Jérémie : au moment de l’exil, il ont décidé de vivre sous la tente à Jérusalem, tournant le dos à une civilisation pervertie. Cette attitude revêt une certaine grandeur, mais ce n’est pas ce que Dieu demande à son peuple ; l’exil est une sorte de traversée du désert, mais c’est le désert lui-même qui sera transformé ; en Is 32, 15s, il deviendra un lieu de justice et de paix ; en Is 41, 18, il regorgera de sources ; en 43, 19-20, la nature sera restaurée. Toutes ces images pour dire que Dieu veut un avenir radieux pour son peuple. Notre lecture chrétienne donne un nom à cet avenir, à ce salut : Jésus de Nazareth, le Christ Sauveur.

    Il est remarquable que Jésus, pour inaugurer sa vie publique, selon Matthieu (4, 1-11), Marc (1, 12-13) et Luc (4, 1-13), introduit sa vie publique par un séjour au désert. C’est ce que nous rappelle la liturgie du début du Carême. Ce sera l’objet de notre prochain article.

    Joseph CHESSERON