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  • Mariage pour tous : 9 pistes de réflexion du Père Jacques Bréchoire

    Je ne défends d’abord pas une position du haut de ma forteresse, mais je veux partager ma manière de raisonner.
    Vous êtes invité en bas de page à donner votre avis.

    1) L’élargissement du mariage aux personnes du même sexe est une question qui touche d’abord les consciences. Cela veut dire qu’il n’est pas qu’un fait de société. Pour moi, la conscience vient avant la société, quelque soit l’état et l’évolution de ses mœurs. Ces mœurs peuvent bien sûr évoluer, mais cette évolution doit passer par le jugement de la conscience.

    2) Lorsque des questions sont posées aux consciences, à propos de questions comme celle du mariage pour tous, il s’agit de voir comment nous assumons notre responsabilité. Je ne pense pas que le principe de la responsabilité soit le premier et principal principe. Certes, nous sommes responsables de notre destinée, mais cette destinée a ses lois propres, et c’est à leur égard que nous exerçons cette responsabilité. Ce n’est pas la responsabilité de la vie qui prime, mais la vie. Ce qui prime, ce ne sont pas les lois civiles, mais les « lois » de cette vie.

    3) Quant à dire ce qu’est la vie, ce qu’est l’amour, ce que sont un fils ou une fille, un homme ou une femme, un père ou une mère… bien sûr, cela me dépasse et dépasse tout le monde. Et c’est tant mieux en un sens : comment imaginer une seconde que nous soyons « les maîtres et possesseurs de la nature » (Descartes), sans reste ? Ce qui nous guide et nous porte, c’est plutôt une tradition de pensée, de vie, de comportements, inconscients en grande partie. Les traditions religieuses et philosophiques ancestrales nous offrent de grandes conceptions de la vie, de la mort, de l’amour, de la féminité, de la masculinité, de la fratrie… Elles nous portent. Elles ne sont pas rien dans le débat public démocratique.

    4) L’écoute des traditions religieuses ou philosophiques ancestrales ne règle pas tout ! Ce serait trop facile. L’évolution des sociétés et des cultures pose en effet des questions toujours nouvelles : la légalisation du mariage des personnes du même sexe en est une, au nom d’une avancée du principe d’égalité pour tous. Par ailleurs les sciences humaines ont progressé aussi, et leur résultat entre dans le débat. Ce résultat n’est pas unanime, loin de là, mais il est légitime et utile.

    5) Aussi bien, j’essaie de lier les deux : la tradition religieuse et philosophique ancestrale et toujours vivante d’une part, et les apports nouveaux, d’autre part. Je me refuse à ne voir que le nouveau, ou que l’ancien. Cela peut s’appeler le compromis (et non la compromission).

    6) La tradition religieuse de mon Eglise fait la promotion du mariage de personnes de sexe différent. Elle pense que la différence est constitutive de l’humanité, constitutive de l’amour, constitutive de la vie. Je pense que cet élargissement du mariage aux personnes du même sexe, n’est pas une simple extension à d’autres qui en seraient exclus, du mariage tel qu’il existe. Mais que, dans ce cas, les règles du mariage changent. Le mariage a pour fonction sociale majeure de réguler et d’encadrer l’amour des personnes et la transmission de la vie. Dans le mariage de personnes de même sexe, cet encadrement de la vie change. Peut-il l’assurer ? Est-il habilité à l’assurer ?

    7) Là où le législateur se doit d’intervenir, c’est dans l’établissement de l’égalité entre unions (PACS) ou mariages hétérosexuels et unions homosexuelles. Ces dernières unions ont droit à un traitement égalitaire par rapport aux mariages de personnes de sexe différent. La loi, dans ce domaine doit certainement intervenir pour établir l’égalité. Mais la loi ne peut sans faute, dénier la différence entre unions et mariage proprement dit. Celle-ci est vitale.

    8) De plus, dans mes comportements, je me dois d’estimer, chez des personnes de même sexe qui s’unissent, leur réel engagement à la fidélité d’une affection, à leur attachement sincère. Mon Eglise aura certainement à faire des progrès en ce domaine.

    9) Je crains que cette reconnaissance légale du mariage de personnes du même sexe, creuse encore davantage le fossé entre les religions (pas seulement le christianisme) et la société civile. L’Eglise catholique avait bien besoin de cela - ainsi que la société civile d’ailleurs !

    Jacques Bréchoire