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  • Cinquième conférence

    Introduction à la lecture du
    « Décret sur le ministère et la vie des prêtres »
    Du Concile Vatican II.
     
    Introduction :
     
    Nous arrivons aujourd’hui au terme de notre parcours. Il nous a permis d’évaluer les transformations historiques dans le ministère et la vie des prêtres depuis le Concile de Trente jusqu'à la veille du Concile Vatican II. Nous découvrons un contraste saisissant entre le prêtre du Concile de Trente et les prêtres de Vatican II.
    Au Concile de Trente, le Prêtre est surtout l’homme du sacré, séparé du monde, vivant un idéal de sainteté au quotidien, une vie spirituelle très marquée par « l’école française de spiritualité ». A cause de la critique « protestante  » qui limite le rôle du « chef de communauté » (presbytre) à la double fonction de « Pasteur » et de « prédiquant », le rôle missionnaire du prêtre de Trente n’est pas suffisamment pris en compte. Les prêtres de Vatican II, sont d’abord missionnaires ! « Ils sont mis à part pour l’Évangile ». Ils doivent annoncer la Bonne Nouvelle à tous les hommes, chrétiens ou non ! La vie de communion du presbyterium autour de l’évêque, la présidence de la charité dans une communion plus effective avec les fidèles, appelés à être davantage acteurs dans la vie du Peuple de Dieu, sont des aspects fondamentaux que les Pères de Vatican II veulent mettre davantage en valeur. Le ministère des prêtres s’inscrit donc entre deux pôles : la communion et la mission.
    Le chapitre troisième, dont nous entreprenons la lecture, traite de la vie des prêtres. Trois alinéas permettent de distinguer les divers aspects tant spirituels que matériels de la vie des prêtres. La première traite de la vocation des prêtres à la perfection. Le deuxième aborde les exigences spirituelles particulières dans la vie des prêtres. Enfin, le troisième énumère les moyens divers qui favorisent le ministère et la vie des prêtres.
    CHAPITRE III : LA VIE DES PRETRES
     

     
    I. VOCATION DES PRETRES A LA PERFECTION

    (La vocation des prêtres à la sainteté)
    12 Les prêtres sont ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier, l'Église, comme coopérateurs de l'Ordre épiscopal : c'est à ce titre que le sacrement de l'Ordre les configure au Christ Prêtre. Certes, par la consécration baptismale, ils ont déjà reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don d'une vocation et d'une grâce qui comportent pour eux la possibilité et l'exigence de tendre, malgré la faiblesse humaine (1) à la perfection dont parle le Seigneur : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mat. 5,48). Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l'acquérir à un titre particulier : en recevant l'Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d'une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, habilités à poursuivre au long du temps l'action admirable par laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté chrétienne tout entière (2). Dès lors qu'il tient à sa manière la place du Christ en personne, tout prêtre est, de ce fait, doté d'une grâce particulière ; cette grâce le rend plus capable de tendre, par le service des hommes qui lui sont confiés et du peuple de Dieu tout entier, vers la perfection de celui qu'il représente ; c'est encore au moyen de cette grâce que sa faiblesse d'homme charnel se trouve guérie par la sainteté de celui qui est devenu pour nous le Grand Prêtre « saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs » (Héb. 7, 26).
    Le Christ que le Père a sanctifié (c'est-à-dire consacré) et envoyé dans le monde (3) « s'est donné pour nous, afin de racheter et de purifier de tout péché un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien » (Tite 2,14), et ainsi, en passant par la souffrance, il est entré dans sa gloire(4).
    De même, les prêtres, consacrés par l'onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les œuvres du corps et se donnent tout entiers au service des hommes : telle est la sainteté dont le Christ leur fait don, et par laquelle ils approchent de l'Homme parfait (5).
    Ainsi donc, c'est en exerçant le ministère d'Esprit et de justice (8) qu'ils s'enracinent dans la vie spirituelle, pourvu qu'ils soient accueillants à l'Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c'est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l'évêque et les prêtres.
    Par ailleurs, la sainteté des prêtres est d'un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère qu'ils accomplissent ; la grâce de Dieu, certes, peut accomplir l'œuvre du salut même par des ministres indignes, mais à l'ordinaire, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes accueillants à l'impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilitent à dire avec l'apôtre : « Si je vis, ce n'est plus moi, mais le Christ qui vit en moi » (Gal. 2, 20).
    C'est pourquoi ce saint Concile, pour atteindre son but pastoral de renouvellement intérieur de l'Église, de diffusion de l'Évangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d'aujourd'hui, rappelle instamment à tous les prêtres qu'avec l'aide des moyens adaptés que l'Église leur propose (7), ils doivent s'efforcer de vivre de plus en plus une sainteté qui fera d'eux des instruments toujours plus adaptés au service du peuple de Dieu tout entier.

    (L'exercice de la triple fonction sacerdotale exige et en même temps favorise la sainteté)
    13 C'est l'exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l'Esprit du Christ qui est, pour les prêtres, le moyen authentique d'arriver à la sainteté.
    Ministres de la Parole de Dieu, ils la lisent et l'écoutent tous les jours pour l'enseigner aux autres ; s'ils ont en même temps le souci de l'accueillir en eux-mêmes, ils deviendront des disciples du Seigneur de plus en plus parfaits, selon la parole de l'apôtre Paul à Timothée : « Applique-toi, donne-toi tout entier, pour que tous puissent voir tes progrès. Veille sur toi-même et sur ton enseignement, que ta persévérance s'y révèle ; car c'est en agissant ainsi que tu te sauveras toi-même avec ceux qui t'écoutent » (1 Tim. 4, 15-16). En cherchant le meilleur moyen de transmettre aux autres ce qu'ils ont contemplé (8), ils goûteront plus profondément « l'incomparable richesse du Christ » (Eph. 3, 8) et la sagesse de Dieu en sa riche diversité (9). Convaincus que c'est le Seigneur qui ouvre les cœurs (10) et que leur supériorité vient de la puissance de Dieu et non pas d’eux (11), ils arriveront dans le fait même de transmettre la Parole à s'unir plus intimement avec le Christ Docteur et à se laisser conduire par son Esprit. Communiant ainsi au Christ, ils participent à la charité de Dieu, dont le Mystère, caché depuis les siècles (12), a été révélé dans le Christ.
    Ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la messe, les prêtres y représentent de manière spéciale le Christ en personne, qui s'est offert comme victime pour sanctifier les hommes ; ils sont dès lors invités à imiter ce qu'ils accomplissent : célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent prendre soin de mortifier leurs membres, se gardant des vices et de tout mauvais penchant(13). Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c'est l'œuvre de notre Rédemption qui s'accomplit sans cesse(14). C'est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les chrétiens ne peuvent y être présents, c'est un acte du Christ et de l'Église (15). En s'unissant à l'acte du Christ Prêtre, chaque jour, les prêtres s'offrent à Dieu tout entiers ; en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond d'eux-mêmes à la charité de celui qui se donne aux chrétiens en nourriture. De même, dans l'administration des sacrements, les prêtres s'unissent à l'intention et à la charité du Christ. Ils le font tout spécialement en se montrant toujours disponibles pour administrer le sacrement de pénitence chaque fois que les chrétiens le demandent de manière raisonnable. Par l'office divin, ils prêtent leurs voix à l'Église qui, sans interruption, prie au nom de toute l'humanité, en union avec le Christ « toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (Héb. 7, 25).
    Guides et pasteurs du peuple de Dieu, ils sont poussés par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour leurs brebis (16), prêts à aller jusqu'au sacrifice suprême à l'exemple des prêtres qui, même de notre temps, n'ont pas hésité à donner leur vie. Éducateurs des chrétiens dans la foi, ayant eux-mêmes « l'assurance voulue pour l'accès au sanctuaire par le sang du Christ » (Héb. 10, 19), ils s'approchent de Dieu « avec un cœur sincère dans la plénitude de la foi » (Héb. 10, 22) ; ils ont une ferme espérance pour leurs chrétiens (17), afin que, réconfortés par Dieu, ils puissent eux-mêmes réconforter ceux qui subissent toutes sortes d'épreuves(18).Chefs de la communauté, ils pratiquent l'ascèse propre au pasteur d'âmes : renoncer à leurs avantages personnels, ne pas chercher leur propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu'ils soient sauvés (19), progresser sans cesse dans un accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, être prêts, s'il le faut, à s'engager dans des voies pastorales nouvelles sous la conduite de l'Esprit d'amour qui souffle où il veut (20).

    (Unité et harmonie de la vie des prêtres)
    14 Dans le monde d'aujourd'hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers - et réclamant souvent une solution urgente - qu'on risque plus d'une fois d'aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l'unité entre leur vie intérieure et les exigences de l'action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement. Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c'est de suivre, dans l'exercice du ministère, l'exemple du Christ Seigneur, dont la nourriture était de fairela volonté de celuiqui l'a envoyé et d'accomplir son œuvre (21).
    Car, en vérité, le Christ, pour continuer toujours à faire dans le monde, par l'Église, la volonté du Père, se sert de ses ministres. C'est donc lui qui demeure toujours la source et le principe de l'unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s'unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d'eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié (22). Menant ainsi la vie même du Bon Pasteur, ils trouveront dans l'exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui ramènera à l'unité leur vie et leur action. Or, cette charité pastorale (23) découle avant tout du sacrifice eucharistique ; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l'esprit sacerdotal s'efforce d'intérioriser ce qui se fait sur l'autel du sacrifice. Cela n'est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ.
    Mais la vérification concrète de cette unité de vie ne peut se faire que par une réflexion sur toutes leurs activités, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu (24), c'est-à-dire afin de savoir dans quelle mesure ces activités sont conformes aux lois de la mission évangélique de l'Église. Car la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à l'Église. La charité pastorale exige donc des prêtres, s'ils ne veulent pas courir pour rien (25), un travail vécu en communion permanente avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, le moyen de trouver dans l'unité même de la mission de l'Esprit l'unité de leur propre vie. Ainsi, ils s'uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père, dans l'Esprit-Saint ; ainsi ils pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie (24).

    II. EXIGENCES SPIRITUELLES PARTICULIERES DANS LA VIE DES PRETRES.

    (Humilité et obéissance)
    15 Parmi les qualités les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner la disponibilité intérieure qui leur fait rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés (27). Car l'œuvre divine à laquelle les prêtres sont appelés par l'Esprit-Saint (28) dépasse toutes les forces, toute la sagesse de l'homme : « Ce qu'il y a de faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour la confusion de ce qui est fort » (1Co 1,27). Le véritable ministre du Christ est donc un homme conscient de sa faiblesse, travaillant dans l'humilité, discernant ce qui plaît au Seigneur (29) ; enchaîné pour ainsi dire par l’Esprit (30), il se laisse conduire en tout par la volonté de celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté, il sait la découvrir et s'y attacher au long de la vie quotidienne, parce qu'il est humblement au service de tous ceux qui lui sont confiés par Dieu dans le cadre de la fonction reçue et des multiples événements de l'existence.
    Mais, le ministère sacerdotal étant le ministère de l'Église, on ne peut s'en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. C'est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l'obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et à exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Pape, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers et à se dépenser eux-mêmes dans toutes les fonctions qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l'indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme chefs visibles de son Église ; par ce moyen, ils travaillent à la construction du Corps du Christ, qui grandit à « toutes sortes de jointures » (32). Cette obéissance conduit à une manière plus mûre de vivre la liberté des enfants de Dieu ; quand l'accomplissement de leur tâche et l'élan de la charité amènent des prêtres à une recherche réfléchie de voies nouvelles en vue du bien de l'Église, c'est l'obéissance qui exige, par sa nature même, qu'ils exposent leurs projets avec confiance et qu'ils insistent sur les besoins du troupeau qui leur est confié, tout en restant prêts à se soumettre toujours au jugement de ceux qui sont, dans l'Église de Dieu, les premiers responsables.
    Cette humilité, cette obéissance responsable et volontaire modèlent les prêtres à l'image du Christ ; ils ont en eux les sentiments qui furent dans le Christ Jésus : « Il s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur ... en se faisant obéissant jusqu'à la mort » (Phil.2, 7-9), et par cette obéissance il a vaincu et racheté la désobéissance d'Adam, comme en témoigne l'Apôtre : « Comme, par la désobéissance d'un seul, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la multitude sera-t-elle constituée juste » (Rom. 5, 19).

    (Choisir le célibat et le considérer comme un don)
    16 La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le royaume des cieux a été recommandée par le Christ Seigneur (33) ; tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens l'ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale particulièrement, l'Église l'a tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde (34). Certes, elle n'est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l'Église primitive (35) et la tradition des Églises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat - ce que font les évêques -, mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n'entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales ; avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié (36).
    Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, c'est de se consacrer tout entier au service de l'humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, non pas « du sang, ni d'un pouvoir charnel, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu » (Jean 1,13). En gardant la virginité ou le célibat pour le royaume des cieux (37), les prêtres se consacrent au Christ d'une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s'attacher à lui sans que leur cœur soit partagé(38), ils sont plus libres pour se consacrer, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son royaume et l'œuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d'accueillir largement la paternité dans le Christ. Ils témoignent ainsi devant les hommes qu'ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée : fiancer les chrétiens à l'époux unique comme une vierge pure à présenter au Christ(39) ; ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir : celles de l'Église avec l'unique époux qui est le Christ(40). Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari (41).
    C'est donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d'abords recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l'Église latine à tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés. Cette législation, ce saint Concile l'approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat. Confiant en l'Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu'il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l'Ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l'Église tout entière. Le saint Concile s'adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce de Dieu, et qui ont librement et volontairement accueilli le célibat, selon l'exemple du Christ : qu'ils s'y attachent généreusement et cordialement, qu'ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu'ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement(42), qu'ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite : c'est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l'Église, la grâce de la fidélité, qui n'est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu'ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l'expérience de l'Église, surtout celles de l'ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui : que les prêtres sachent les observer. Ce saint Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les chrétiens, à tenir ce don précieux du célibat sacerdotal et à demander à Dieu de l'accorder toujours avec abondance à son Église.

    (Attitude à l'égard du monde et des biens terrestres - Pauvreté volontaire)
    17 La vie amicale et fraternelle des prêtres entre eux et avec les autres hommes leur permet d'apprendre à honorer les valeurs humaines et à considérer les choses créées comme des dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant savoir que, selon la parole de notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde (43). Usant donc de ce monde comme s'ils n'en usaient pas vraiment (44), ils arriveront à la liberté qui les délivrera de tous les soucis désordonnés et les rendra accueillants pour écouter Dieu qui leur parle à travers la vie quotidienne. Cette liberté et cet accueil font grandir le discernement spirituel qui, fait trouver l'attitude juste à l'égard du monde et des réalités terrestres. Attitude essentielle pour les prêtres, car la mission de l'Église s'accomplit au cœur du monde, et les choses créées sont absolument nécessaires au progrès personnel de l'homme. Les prêtres doivent donc être reconnaissants envers le Père céleste de tout ce qu'il leur donne pour leur permettre de bien mener leur existence. Mais il faut aussi que la lumière de la foi les aide à exercer leur discernement sur ce qui se trouve sur leur chemin ; ils doivent ainsi en venir à utiliser leurs biens d'une manière juste qui correspond à la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui fait obstacle à leur mission.
    Car les prêtres ont le Seigneur pour « part » et pour « héritage » (Nomb. 18,20), si bien qu'ils ne doivent se servir des choses terrestres que pour les usages permis par la doctrine du Christ Seigneur et les préceptes de l'Église.
    Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront conformément à leur nature et selon les lois ecclésiastiques, autant que possible avec l'aide de laïcs compétents. Ces biens seront toujours employés pour les fins qui justifient l'existence de biens temporels d'Église, c'est-à-dire pour organiser le culte divin, assurer au clergé un niveau de vie suffisant et soutenir les œuvres d'apostolat et de charité, spécialement en faveur des indigents (45). Quant aux ressources qu'ils acquièrent à l'occasion de l'exercice d'une fonction ecclésiastique, sous réserve des législations particulières (46), les prêtres, aussi bien que les évêques, les emploieront d'abord pour s'assurer un niveau de vie suffisant et pour accomplir les devoirs de leur états ; et ce qui restera, ils auront à cœur de l'employer au service de l'Église ou pour des œuvres de charité. Bref, une fonction d'Église ne doit pas devenir une activité lucrative ; les revenus qui en proviennent ne sauraient être utilisés pour augmenter le patrimoine personnel du prêtre (47). C'est pourquoi les prêtres, loin d'attacher leur cœur à la richesse, éviteront toute espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence commerciale.
    Ils sont mêmes invités à embrasser la pauvreté volontaire qui rendra plus évidente leur ressemblance avec le Christ et les fera plus disponibles au saint ministère. Le Christ est devenu pauvre pour nous, lui qui était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté (49). Les apôtres, à leur tout, ont montré par leur exemple qu'il faut donner gratuitement ce que Dieu accorde gratuitement (50), et ils ont su s'habituer à l'abondance comme au dénuement (51). Une certaine mise en commun matérielle, à l'image de la communauté de biens que vante l'histoire de la primitive Église (52), est une excellente voie d'accès à la charité pastorale ; c'est une manière de vivre louable qui permet aux prêtres de remettre en pratique l'esprit de pauvreté conseillé par le Christ.
    Que les prêtres et les évêques se laissent donc conduire par l'Esprit qui a consacré le Sauveur par l'onction et l'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres (53) ; qu'ils évitent tout ce qui pourrait, d'une manière ou d'une autre, écarter les pauvres ; qu'ils rejettent, plus encore que les autres disciples du Christ, toute apparence de vanité dans ce qui leur appartient. Qu'ils installent leur maison de manière qu'elle ne paraisse inaccessible à personne et que jamais personne, même les plus humbles, n'ait honte d'y venir.

    III. MOYENS AU SERVICE DE LA VIE DES PRETRES

    (Moyens pour le développement de la vie spirituelle)
    18 Pour mieux vivre leur union au Christ toutes les circonstances de la vie, les prêtres disposent, outre l'exercice conscient de leur ministère, d'un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers, anciens ou nouveaux : le Saint-Esprit n'a jamais manqué d'en susciter dans le peuple de Dieu, et l'Église, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l’usage (54). A la première place parmi ces moyens de développer la vie spirituelle, se situent les actes par lesquels les chrétiens se nourrissent du Verbe de Dieu aux deux tables de la Bible et de l’Eucharistie (55) ; personne n'ignore l'importance de leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres.
    Les ministres de la grâce sacramentelle s'unissent intimement au Christ Sauveur et Pasteur lorsqu'ils reçoivent avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente : préparée par l'examen de conscience quotidien, celle-ci est un soutien très précieux pour l'indispensable conversion du cœur à l'amour du Père des miséricordes. A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l'existence ; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu'ils ont assumée dans le Saint-Esprit. De cette docilité les prêtres retrouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la Sainte Vierge Marie : conduite par le Saint-Esprit, elle s'est donnée tout entière au mystère du rachat de l'humanité (56) ; mère du Grand Prêtre éternel, reine des apôtres, soutien de leur ministère, elle a droit à la dévotion filiale des prêtres, à leur vénération et à leur amour.
    Pour pouvoir accomplir avec fidélité leur ministère, ils doivent avoir à cœur de converser chaque jour avec le Christ Seigneur dans la visite et le culte personnel de la sainte Eucharistie ; ils doivent aimer les temps de retraite et tenir à la direction spirituelle. Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d'oraison et les diverses formes de prière qu'ils choisissent librement, permettent aux prêtres de rechercher et d'implorer de Dieu le véritable esprit d'adoration, grâce auquel, avec le peuple qui leur est confié, ils s'uniront intimement au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance ; comme des fils adoptifs ils pourront alors crier : « Abba ! C’est-à-dire Père » (Rom. 8, 15).

    (Étude et science pastorale)
    19 Au cours de leur ordination, l'évêque invite les prêtres à « faire preuve de maturité par leur science », à ce que leur « enseignement soit un remède spirituel pour le peuple de Dieu (57) ». Cette science du ministère sacré doit elle-même être sacrée ; découlant d'une source sacrée, elle vise un but qui est lui-même sacré. Puisée avant tout dans la lecture et la méditation de la Bible (58), elle trouve encore une nourriture fructueuse dans l'étude des Pères, docteurs de l'Église et autres témoins de la tradition. En outre, pour répondre de manière juste aux questions posées par les hommes d'aujourd'hui, il importe que les prêtres aient ne connaissance sérieuse des documents du magistère, spécialement ceux des conciles et des papes, et qu'ils sachent consulter les meilleurs auteurs théologiques dont la science est reconnue.
    Étant donné qu'actuellement la culture humaine et même les sciences sacrées progressent et se renouvellent, les prêtres sont appelés à perfectionner leurs connaissances religieuses et humaines de façon adaptée et ininterrompue ; ils se préparent ainsi à mieux engager le dialogue avec leurs contemporains.
    Pour faciliter aux prêtres le travail d'étude et la connaissance des méthodes d'évangélisation et d'apostolat, on fera tout le nécessaire pour mettre à leur disposition ce dont ils ont besoin : on organisera, suivant les situations locales, des sessions ou des congrès, on fondera des centres d'études pastorales, on créera des bibliothèques, on confiera à des hommes compétents l'organisation du travail de réflexion. Les évêques devront aussi, chacun pour son compte ou à plusieurs, trouver le meilleur moyen de donner à tous les prêtres, à des moments déterminés, en particulier quelques années après leur ordination (59), la possibilité de suivre une session, grâce à laquelle ils pourront perfectionner leurs connaissances pastorales et théologiques, affermir leur vie spirituelle et partager avec leurs frères leurs expériences apostoliques (60). On utilisera également ces moyens, ou d'autres mieux adaptés, pour venir en aide particulièrement à ceux qui sont nommés curés, à ceux qui sont affectés à une activité pastorale nouvelle, à ceux qui partent dans un autre diocèse ou dans un autre pays.
    Enfin, les évêques veilleront à ce que certains prêtres se consacrent à une étude plus approfondie des sciences sacrées : il s'agit, en effet, de ne pas manquer de professeurs capables de former les clercs, d'aider les autres prêtres et les chrétiens à acquérir les connaissances dont ils ont besoin, d'encourager le sain développement des sciences sacrées qui est absolument indispensable à l'Église.

    (La juste rémunération à assurer aux prêtres)
    20 Les prêtres consacrent leur vie au service de Dieu en accomplissant la fonction qui leur est confiée ; ils méritent donc de recevoir une juste rémunération « car l'ouvrier mérite son salaire » (Luc 10, 7) (61), et « le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l'Évangile de vivre de l'Évangile » (Cor. 9,14). Là où rien d'autre n'existe pour assurer cette juste rémunération, faire le nécessaire pour assurer aux prêtres un niveau de vie suffisant et digne est, à proprement parler, une obligation pour les chrétiens, puisque c'est à leur service que les prêtres consacrent leur activité. Les évêques, eux, ont le devoir de rappeler aux chrétiens cette obligation ; ils doivent veiller -chacun pour son diocèse ou, de préférence, à plusieurs ensemble dans un même territoire - à établir des règles pour assurer comme il se doit une vie convenable à ceux qui exercent, ou ont exercé, une fonction au service du peuple de Dieu. La rémunération versée à chacun devra tenir compte de la nature de la fonction exercée et des circonstances de temps et de lieu, mais elle sera fondamentalement la même pour tous ceux qui sont dans la même situation ; elle devra être adaptée aux conditions où ils se trouvent ; en outre, elle leur laissera les moyens, non seulement d'assurer comme il se doit la rémunération de ceux qui se dévouent à leur service, mais encore d'apporter eux-mêmes une aide à ceux qui sont dans le besoin, car ce ministère à l'égard des pauvres a toujours été en grand honneur dans l'Église dès ses origines. Enfin, cette rémunération devra permettre aux prêtres de prendre chaque année, pendant une durée suffisante, les vacances dont ils ont besoin ; les évêques doivent veiller à ce que ce temps de vacances soit assuré aux prêtres.
    C'est à la fonction remplie par les ministres sacrés qu'il faut accorder le rôle principal. De ce fait, il faut abandonner le système dit des « bénéfices » où, du moins, le réformer de telle manière que l'aspect bénéficial, c'est-à-dire le droit aux revenus de la dotation attachée à la fonction, soit traité comme secondaire. Le droit donnera donc la priorité à la fonction ecclésiastique elle-même, désignation qui s'appliquera désormais à toute charge conférée de façon stable pour être exercée en vue d'une fin spirituelle.

    (Constitution de caisses communes et organisation de la sécurité sociale pour les prêtres)
    21 Il faut toujours se référer à l'exemple des croyants de la primitive Église à Jérusalem : « Entre eux, tout était commun » (Act. 4,32) et « on distribuait à chacun suivant ses besoins » (Act. 4,35). C'est en ce sens qu'il est très souhaitable d'avoir, au moins dans les pays où la vie matérielle du clergé dépend, entièrement ou en grande partie, des offrandes des chrétiens, une institution diocésaine pour rassembler les dons faits à cette fin ; elle sera administrée par l'évêque assisté de prêtres délégués et, là où cela paraît utile, de laïcs compétents en matière financière. Il est également désirable qu'il y ait, en outre, autant que possible, pour chaque diocèse ou chaque pays, une caisse commune permettant aux évêques de satisfaire à d'autres obligations envers les personnes qui sont au service de l'Église et de subvenir aux différents besoins du diocèse ; cette caisse doit aussi permettre aux diocèses plus riches d'aider les plus pauvres, pour que le superflu des uns subvienne à l'indigence des autres (62). Elle devra être alimentée avant tout par les sommes provenant des offrandes des chrétiens, mais également par d'autres ressources, que le droit devra préciser.
    En outre, dans les pays où la sécurité sociale n'est pas encore correctement organisée en faveur du clergé, les conférences épiscopales, compte tenu toujours des lois ecclésiastiques et civiles, veilleront à ce qu'il existe, soit des organismes diocésains – éventuellement fédérés entre eux – soit des organismes interdiocésains, soit une association établie pour l'ensemble du territoire, en vue d'organiser, sous le contrôle de la hiérarchie, d'une part une prévoyance et uns assistance médicale satisfaisante, d'autre part la prise en charge due aux prêtres pour les cas d'infirmité, d'invalidité ou de vieillesse. Les prêtres soutiendront l'organisme ainsi établi dans un esprit de solidarité avec leurs frères, prenant part ainsi à leur épreuve (63). Ils s'apercevront en même temps qu'ils se trouvent libérés du souci de l'avenir, et donc en mesure de pratiquer la pauvreté avec plus d'ardeur évangélique et de se consacrer tout entiers au salut des âmes. Enfin, les responsables feront en sorte que les différents organismes nationaux aient des liens entre eux, ce qui leur donnera une plus grande solidité et une plus large diffusion.
    CONCLUSION ET EXHORTATION

    22 Conscient des joies de la vie sacerdotale, ce saint Concile ne peut cependant ignorer les difficultés dont souffrent les prêtres dans les conditions de la vie actuelle. Il se rend compte de la transformation de la situation économique et sociale, et même des mœurs ; il se rend compte du bouleversement de la hiérarchie des valeurs dans le jugement des hommes. Dans ces conditions les ministres de l'Église, et même parfois les chrétiens, se sentent comme étrangers, à ce monde ; avec anxiété, ils se demandent quels moyens, quels mots trouver pour entrer en communication avec lui. Obstacles nouveaux à la vie de foi, stérilité apparente du labeur accompli, dure épreuve de la solitude, tout cela peut risquer de les conduire au découragement.
    Mais ce monde, tel qu'il est aujourd'hui, ce monde confié à l'amour et au ministère des pasteurs de l'Église, Dieu l'a tant aimé qu'il a donné pour lui son Fils unique.(1) En vérité, avant tout le poids de son péché, mais aussi avec la richesse de ses possibilités, ce monde offre à l'Église les pierres vivantes(2) qui s'intègrent à la construction pour être une demeure de Dieu dans l'Esprit(3). Et c'est encore l'Esprit Saint qui pousse l'Église à ouvrir des chemins nouveaux pour aller au-devant du monde d'aujourd'hui ; c'est lui qui, de ce fait, suggère et encourage les adaptations qui s'imposent pour le ministère sacerdotal.
    Que les prêtres ne l'oublient pas : ils ne sont jamais seuls dans leur action, ils s'appuient sur la force du Dieu tout-puissant ; que leur foi au Christ, qui les a appelés à participer à son sacerdoce, les aide à se donner en toute confiance à leur ministère, car ils savent que Dieu est assez puissant pour augmenter en eux la charité(4). Qu'ils ne l'oublient pas non plus : ils ont pour compagnons leurs frères dans le sacerdoce, bien plus, les chrétiens du monde entier. Car tous les prêtres travaillent ensemble pour accomplir le dessein divin du salut, le Mystère du Christ caché depuis les siècles en Dieu (5), qui ne se réalise que peu à peu, par l'effort coordonné de ministères différents, « en vue de l'édification du Corps du Christ jusqu'à ce qu'il atteigne toute sa taille. Tout cela, certes est caché avec le Christ en Dieu (6), et c'est surtout la foi qui peut s'en rendre compte. C'est dans la foi que doivent marcher les guides du peuple de Dieu, suivant l'exemple d'Abraham le fidèle, qui, « par la foi, obéit à l'appel de partir vers un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (Héb. 11, 8). En vérité, l'intendant des mystères de Dieu ressemble au semeur dont le Seigneur a dit : « Qu'il dorme ou qu'il se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment » (Marc 4, 27). D'ailleurs, si le Seigneur Jésus a dit : « Gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33), il n'a pas, pour autant, promis à l'Église la victoire totale ici-bas. Ce qui fait la joie du saint Concile, c'est que la terre, ensemencée par la graine de l'Évangile, donne aujourd'hui du fruit en bien des endroits, sous la conduite de l'Esprit du Seigneur qui remplit l'univers et qui a fait naître au cœur de tant de prêtres et de tant de chrétiens un esprit vraiment missionnaire. Pour tout cela, avec toute son affection, le saint Concile remercie les prêtres du monde entier. Et « à celui qui peut tout faire, et bien au-delà de nos demandes et de nos pensées, en vertu de la puissance qui agit en nous, à lui gloire dans l'Église et le Christ Jésus » (Eph. 23, 20-21).

    Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile.Et nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.

    Rome, à Saint-Pierre, le 7 Décembre 1965.
    Moi, PAUL, évêque de l'Église catholique
    (Suivent les signatures des Pères)
    Commentaires :
    Ce chapitre troisième est le plus dense de ce décret conciliaire. Les passages surlignés sont les passages lus et commentés durant cette dernière conférence. Il aborde plus particulièrement la vie des prêtres et prend un soin singulier à en définir une spiritualité presbytérale. Beaucoup avaient l’impression que le modèle de la spiritualité des prêtres avait été calqué sur celui de la vie religieuse. Il y avait un décalage ressenti, parfois douloureusement, entre la vie spirituelle et la vie pastorale. Le Concile était conscient de ce manque et dans ce chapitre a essayé d’élaborer un texte référent pour permettre de vivre leur ministère presbytérale en harmonie avec une vie spirituelle adaptée.
    (12) La réflexion des Pères conciliaires s’inscrit dans la logique des autres chapitres. L’appel à la perfection concerne l’ensemble du Corps du Christ, parce qu’il est fondé sur le Baptême. Nous appartenons à un « peuple saint ». Parce qu’ils sont choisis parmi les membres du Peuple de Dieu, les prêtres vivent de cette sainteté commune. Mais parce qu’ils ont été mis à part pour le service de l’Évangile, ils ont une vie spirituelle spécifique au sacrement de l’ordre qu’ils ont reçu. Selon l’expression bien connue de St Augustin :
    « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque ».
    Les prêtres configurés par leur vocation au Christ, Docteur, Prêtre et Pasteur, témoignent de lui par la charité pastorale. Les prêtres en quelque sorte par leur vie spirituelle contribuent à témoigner de la sainteté du Christ Pasteur qui conduit son troupeau sur le chemin de la sainteté. Comme le Christ, les prêtres se donnent tout entier au service des hommes. Leur sainteté est étroitement liée au ministère qu’ils remplissent au service des hommes. Leur ministère est le moyen authentique d’arriver à la sainteté. Les Pères insistent donc sur l’unité de la vie des prêtres, ils ne sont pas d’une part pasteur et d’autre part religieux, c’est dans leur ministère qu’ils puisent les vivres de leur sainteté.
    (13) Dans l’exercice quotidien de leur ministère pastoral et sacramentel, ils bénéficient des biens qu’ils ont eux même à donner. Cette intuition est reprise rituellement dans l’ordination des diacres, pour la remise de l’Évangile :
    « Recevez l’Évangile du Christ que vous avez mission d’annoncer.
    Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez,
    à enseigner ce que vous avez cru,
    à vivre ce que vous aurez enseigné. »
    et du prêtre lors de la remise des offrandes :
    « Recevez l’offrande du peuple saint.
    Ayez conscience de ce que vous ferez,
    imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites
    et conformez vous au mystère de la croix du Seigneur. »
    Comme l’expriment magnifiquement ces deux rites, il y a un double profit dans l’exercice du ministère. En donnant, ils reçoivent, pour donner, ils approfondissent, en donnant le Christ dans sa parole et ses sacrements, ils entretiennent une étroite communion avec lui. C’est donc bien dans l’exercice de leur ministère pastoral et sacramentel qu’ils se sanctifient. C’est leur ministère pastoral et sacramentel qui est le cœur de leur vie spirituelle.
    (14) Les Pères exhortent les prêtres à unifier leur vie autour de la personne du Christ, pour être plus apte à répondre aux exigences d’un monde qui réclame toujours plus et risque de couper les prêtres de leur racine vitale. Ils ont conscience du danger de dispersion qui guette le pasteur généreux, et l’invite à la prudence.
    (15) Le numéro suivant aborde les exigences spirituelles de la vie du prêtre. Le Cardinal Emmanuel Suhard (1874-1949), Archevêque de Paris, entendant à son époque un slogan : « le prêtre est un homme mangé », répondait, non sans humour, « encore faut-il qu’il soit nourrissant ». Ce paragraphe insiste sur la communion des prêtres à toute l’Église : l’évêque et le presbyterium, les prêtres et l’ensemble du peuple de Dieu. Deux aspects qui réclament des prêtres une double vertu, l’humilité et l’obéissance, dont le Christ est le modèle (Cf. Phil. 2, 7-9).
    (16) Autre aspect de la spiritualité du prêtre ayant le Christ pour modèle, c’est le célibat. Avec beaucoup de tact et de délicatesse, les Pères n’ignorent pas que le célibat n’est pas l’unique voie dans l’Église catholique, puisque dans l’Église orientale ont ordonne au presbytérat, des hommes mariés :
    Certes, elle n'est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l'Église primitive et la tradition des Églises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat, – ce que font les évêques – mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand. Tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n'entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales. Avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié.
    Cependant, ils montrent pourquoi dans l’Église Latine la tradition du célibat a été favorisée. En effet, elle témoigne davantage du don total au service du ministère pastoral. Elle souligne le don total de sa vie au Christ, sans que son cœur soit partagé, pour témoigner du monde nouveau, le Royaume qui vient.
    (17) Au regard de ce que nous venons de lire dans ce second paragraphe du chapitre troisième, nous avons la déclinaison des trois vœux religieux : « Obéissance, pauvreté chasteté. » C’est une lecture réductrice, il est question de moyens mis à la disposition des prêtres pour mieux témoigner du Christ dont ils sont ministres, et pour favoriser leur apostolat spécifique. Les prêtres promettent obéissance et continence à leur évêque lors de l’ordination, mais ce ne sont pas des vœux qui marquent et engagent totalement la personne. Cet alinéa aborde le témoignage de la pauvreté. « Usant donc de ce monde comme s'ils n'en usaient pas vraiment » (1 Cor. 7,31). Là encore est soulignée la liberté qu’offre cette vertu pour l’exercice du ministère et le témoignage du Christ qui s’est fait pauvre en ce monde.
    (18) Avec ce troisième paragraphe nous abordons les moyens qui favorisent la vie des prêtres. Ils sont de trois ordres, spirituels, intellectuels, et humains (finances et protection sociale). L’alinéa 18 traite plus spécialement des instruments spirituels mis à la disposition des prêtres. Il ne différent en rien de ceux qui font parti du trésor spirituel mis à la disposition de tous les chrétiens.
    Appelés à vivre intimement leur union au Christ, ceux-ci disposent, comme tout chrétien, « d'un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers, anciens ou nouveaux  : le Saint-Esprit n'a jamais manqué d'en susciter dans le peuple de Dieu, et l'Église, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l'usage. Parmi ces moyens, on a retenu particulièrement ceux qui ont avec l'exercice du ministère pastoral une convenance plus spéciale  : la fréquentation assidue des « deux Tables », la confession sacramentelle fréquente et l'examen de conscience quotidien, la docilité à l'Esprit dans la lecture des événements à l'exemple de la Vierge Marie, le culte eucharistique, les temps de retraite et la direction spirituelle, l'oraison personnelle et les formes de prière choisies librement. Grâce à ces divers moyens, les prêtres s'uniront toujours davantage « au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance »« avec le peuple qui leur est confié ».
    (19)Ce numéro insiste sur l'importance de l'étude et de la formation intellectuelle permanente dans la vie du prêtre. La fécondité du ministère dépend pour une part non négligeable de l'effort soutenu que s'impose le prêtre dans l'approfondissement de la théologie et de la culture humaine, tout particulièrement à notre époque de mutation constante et où la foi est gravement mise en question par l'homme moderne. Les prêtres doivent pouvoir être des interlocuteurs éclairés, et capables de dialoguer avec des femmes et des hommes dont la culture est de plus en plus étendue et dont les compétences intellectuelles réclament en retour des réponses honnêtes à leurs questionnements. La théologie et les sciences bibliques demandent une connaissance et des actualisations constantes. Ces études permettent un approfondissement des connaissances du prêtre et lui permettent d’exercer sa tache d’enseignement qui est un des charismes du ministère du Prêtre.
    (20) Avec ce numéro nous entrons dans la dimension la plus temporelle de la vie des prêtres. Ils méritent de recevoir une juste rémunération. L’évêque doit veiller aussi à l’équilibre de ses prêtres en favorisant à chacun un temps de vacances suffisant. Là où cela n’existe pas les Pères invitent à créer des caisses communes pour que tous les prêtres reçoivent une juste et égale rétribution.
    (21) Le numéro suivant aborde la protection sociale des prêtres. Il convient de la mettre en place, là où elle n’existe pas, si possible en harmonie avec la protection sociale civile. Elle s’appuie sur le « ils mettaient tout en commun  » du livre des Actes des Apôtres.
    (22) La conclusion et l’exhortation finale, ne réclament aucun commentaire. Il convient de souligner combien ce texte final prend en compte la réalité de ce que vivent les prêtres aujourd’hui. Il n’a pris aucune ride, il n’a pas perdu de son actualité.

    Au terme de ce parcours nous découvrons le travail remarquable mené par les Pères conciliaires, très au fait de tous les problèmes du monde contemporain. Ils essayent aussi, autant qu’ils le peuvent, de se faire les interprètes des attentes du Peuple de Dieu. Ils sont scrupuleusement fidèles à la structure théologique de l’Église élaboré dans Lumen Gentium. Les prêtres trouvent leur place dans ce Corps du Christ et collaborent en communion avec l’évêque et le presbyterium à la vie et la croissance du Peuple Saint. C’est d’abord pour annoncer l’Évangile qu’ils ont été choisis et mis à part. Le ministère pastoral et sacramentel contribue à la sanctification du Corps du Christ et aussi à la sanctification des ministres qui l’entretienne. Tout leur ministère et toute leur vie est configurée au Christ. Ayant le Christ pour modèle, ils le rendent présent aux hommes de ce temps. Bien conscients de leurs faiblesses et des limites de leur humanité ils donnent le meilleur d’eux même pour la construction de monde nouveau que le Christ a inauguré.