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  • Lettre ouverte aux femmes de David

    Mes chères amies,

    Je vous salue, vous, Mikal, Avigaïl et Bethsabée. Votre point commun c’est d’avoir été, en même temps ou successivement, les épouses du grand roi David, en un temps où la polygamie était admise. Vous n’avez pas été les seules : tout au long de son histoire, David a connu de nombreuses femmes. Deux petits résumés nous le font savoir, d’abord dans le 2ème livre de Samuel (2 S 3, 2-5) où sont nommés les enfants qu’il a eus de différentes femmes quand il était roi à Hébron, puis, dans le même livre (2 S 5, 13-16), quand il est devenu roi à Jérusalem. Je choisis de m’adresser à vous, parce que c’est surtout de vous dont la Bible parle. Mais que vous êtes différentes !

    Ma chère Mikal,

    Amoureuse de David

    On peut vraiment dire que tu as eu une vie mouvementée. Tu es la fille cadette du roi Saül. Tu tombes amoureuse de David (1 S 19,17-30), ce qui déplaît à ton père. Il pose à une telle union des conditions invraisemblables, qui mettent la vie de David en danger. Ce dernier surmonte cependant les obstacles et Saül finit par accepter. Mais il garde une haine tenace contre son jeune rival et décide de le liquider. Toi, tu es au courant et tu facilites la fuite de ton mari, à la barbe de ton père (1 S 19, 11-17). Qu’est-ce qu’on ne ferait pas quand on est amoureux ! Cependant ton père se venge : David étant en fuite, il te donne comme épouse à un certain Palti, sans te demander ton avis.

    La brouille définitive

    Bien longtemps après, ton père et ton frère Jonathan sont tués à la bataille de Guilboa. David devient roi sur tout Israël. Il te fait récupérer de force (2 S 3, 12-16). Mais les années ont passé. Les feux de l’amour se sont éteints. Le courant ne passe plus avec lui. David organise une grande fête pour faire rentrer l’arche d’Alliance dans la ville de Jérusalem qu’il vient de conquérir (2 S 6, 16-23). Il est tellement heureux d’avoir récupéré cette fameuse arche qu’il se met à danser et tournoyer devant elle, semblant oublier qu’il est le roi. Toi, tu vois ça de ta fenêtre et tu te mets à le mépriser. Le soir, quand il rentre à la maison, tu lui fais de vifs reproches, l’accusant de s’être conduit comme un moins que rien. Il ne comprend pas ta réaction : il est prêt à en faire beaucoup plus pour honorer Dieu. Entre vous, tout est fini. Ton histoire se termine par ces mots : « Mikal, fille de Saül, n’aura pas d’enfant jusqu’au jour de sa mort. » Avec toi, c’est presque la fin de la famille de Saül. Adieu, pauvre Mikal !

    Ma chère Avigaïl,

    Un couple mal assorti

    Peu de gens connaissent ton non, et pourtant tu joues un rôle très important dans l’ascension de David vers la royauté. Un chapitre entier t’est consacré dans le 1er livre de Samuel (1 S 25). Tout commence par une histoire de racket. Tu es marié à Naval, un sinistre individu, plein aux as comme on dirait aujourd’hui, mais radin comme ce n’est pas permis. David lui envoie des messagers pour lui faire payer la protection qu’il a accordée à ses bergers. Naval les envoie au diable. On te met au courant de l’affaire. Tu penses que ton mari s’est mis dans une mauvaise passe et que David va se venger. Tu veux l’empêcher de faire une grosse bêtise.

    Tu prends les devants

    Tu organises à l’insu de ton mari une expédition en direction de David : une caravane d’ânes chargés de multiples cadeaux pour attirer sur toi ses faveurs et te démarquer de Naval. De façon très cérémonieuse, tu lui demandes de ne pas tuer ton mari et de le laisser aller à son destin. Tu en profites pour faire une sorte de prophétie au bénéfice de David. Tu lui prédis un bel avenir, mais en même temps, tu lui donnes des conseils pour être un bon roi, un roi pacifique refusant la violence. Tu lui rappelles que s’il devient roi, ce sera par la grâce de Dieu et non par ses propres forces. Et il te remercie de tes conseils.

    Une leçon pour les puissants de ce monde ?

    Simple question : le rédacteur de ton histoire ne serait-il pas en train de donner des conseils aux rois de son époque, et, au-delà d’eux, à tous les puissants de la terre ?

    Toujours est-il que ton mari, apprenant de ta bouche toute cette histoire, tombe paralysé et meurt quelques jours après. David, l’ayant appris, te demande en mariage et c’est sans regret que tu acceptes de devenir sa femme … une de plus. Tu resteras dans l’histoire la femme de bon conseil. Cependant, ce n’est pas toi qui seras la mère du successeur de David, mais celle à qui je vais maintenant m’adresser.

    Ma chère Bethsabée,

    Une coucherie qui tourne mal (2 S 11 et 12)

    Tu es la plus connue des femmes de David… la plus sulfureuse aussi ! Tu es d’abord mariée à un officier de l’armée de David, un mercenaire étranger, Urie le Hittite. Il fait partie d’une expédition contre les Ammonites. David est resté à Jérusalem. Un soir à la fraîche, il monte sur sa terrasse. Il t’aperçoit ; tu es en train de te baigner. Il se renseigne sur toi, et apprenant de qui tu es l’épouse (un homme parti à la guerre), il te fait enlever et couche avec toi. Tu rentres chez toi. Catastrophe, te voilà enceinte ! Alors dans un premier temps, David cherche à éviter le scandale. Il fait venir Urie du front et fait tout pour qu’il rentre chez lui et couche avec toi. Rien à faire : Urie connaît la règle imposée au soldat en campagne : il n’a pas le droit de faire l’amour quand il fait la guerre ! Pas d’autre solution que de l’éliminer ! Le général en chef Joab, sur l’ordre de David, monte un sinistre guet-apens : il fait mettre Urie au plus fort de la bataille et ordonne aux autres soldats de se retirer. Naturellement Urie est tué.

    Femme de David et mère de Salomon

    On t’en informe et tu prends le deuil. Etais-tu sincère ? Sans te faire offense, permets-moi d’en douter un peu, tant ce deuil est mentionné rapidement. Il est vrai qu’en ce temps-là, sauf exception, les femmes n’avaient pas grand-chose à dire. En tout état de cause, le temps légal de deuil passé, David te récupère et tu deviens officiellement sa femme. J’ai raconté dans une de mes lettres à David comment le Seigneur l’avait amené à reconnaître sa faute et comment l’enfant de l’adultère finit par mourir. Tu deviens enceinte à nouveau et tu mets au monde celui qui deviendra roi à la place de David, le grand roi Salomon.

    Une reine-mère intrigante (1R 1, 11-40 – 2, 12-25)

    Dans cette accession au trône, quel rôle as-tu joué ? Celui qui devait régner, c’était Adonias, le fils aîné. Mais tu intrigues auprès de ton mari et, avec la complicité du prophète Nathan, tu imposes à David le choix de ton fils. Et, quand Adonias vient te demander la main de la dernière concubine de son père, je te soupçonne d’avoir appuyé cette demande en sachant que Salomon ne pouvait la satisfaire. Tu lui as même fourni le prétexte d’éliminer physiquement son frère.

    Au fond, l’image que l’on garde de toi n’est pas très reluisante et on comprend que Matthieu, dans la généalogie de Jésus, ne mentionne même pas ton nom ; il se contente de dire ‘la femme d’Urie’. Malgré tout, je ne me permettrai pas de te mépriser, puisque tu as été l’ancêtre de Jésus notre Sauveur.


    Pour une meilleure compréhension de la Bible

    Rappelons que la Bible parle de l’homme tel qu’il est. Elle décrit les chemins de Dieu dans cette humanité avec ses tares et ses beautés. Elle y raconte ce que Paul dira avec ses mots : « Le Seigneur m’a déclaré : "Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse". Aussi mettrai-je mon orgueil dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ » (2 Co 12,9.) Ces quatre femmes, Tamar l’incestueuse, Rahab la prostituée, Ruth l’étrangère, Bethsabée l’adultère, sont bien ces chemins inattendus par où passe le salut de notre Dieu.

    Joseph CHESSERON

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