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  • L’Evangile selon Marc que nous lisons tout au long de l’année liturgique B mentionne la tentation de Jésus au désert d’une simple phrase : « Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient  ». C’est pourquoi, pour notre réflexion, nous prendrons le récit plus détaillé de Matthieu. Nous trouvons le récit parallèle en Luc 4, 1-13.


    Matthieu 4, 1-11

    1 Alors Jésus fut conduit par l’Esprit au désert, pour être tenté par le diable.2 Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il finit par avoir faim. 3 Le tentateur s’approcha et lui dit : " Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. " 4 Mais il répliqua : " Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. " 5 Alors le diable l’emmène dans la Ville Sainte, le place sur le faîte du Temple 6 et lui dit : " Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges et ils te porteront sur leurs mains pour t’éviter de heurter du pied quelque pierre. " 7Jésus lui dit : " Il est aussi écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. " 8 Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne ; il lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire 9 et lui dit : " Tout cela je te le donnerai, si tu te prosternes et m’adores. " 10 Alors Jésus lui dit : " Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à lui seul que tu rendras un culte. " 11 Alors le diable le laisse, et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.


    Quarante jours au désert

    Ce nombre et ce lieu sont très évocateurs pour les chrétiens d’origine juive auxquels Matthieu s’adresse. 40 est un nombre symbolique qui évoque le temps de l’épreuve : les 40 ans du peuple hébreu dans le désert vers le Sinaï, les 40 jours de marche d’Elie dans le désert vers le mont Horeb. Le peuple s’est rebellé et a succombé à la tentation. Elie a rencontré le Dieu vivant et a pu continuer sa mission. Jésus, lui aussi, a été mis à l’épreuve, mais, parce que, dans la prière, il rencontrait son Père, il a repoussé la tentation. Ce récit annonce la lutte de Jésus contre le mal dont il sortira victorieux par sa mort et sa résurrection. Mais de quoi est faite cette lutte ? Que représentent les tentations mises en récit en Matthieu et en Luc ?

    " Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains "

    Réponse : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Autrement dit, au tentateur qui lui suggère de mettre sa puissance divine à son propre service, Jésus répond qu’il est entièrement tourné vers son Père et qu’il attend tout de lui : c’est cela toute sa vie. A ce moment résonnent à nos oreilles d’autres paroles de Jésus : «  Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. » ou bien encore : « Ma nourriture c’est de faire la volonté du Père qui m’a envoyé.  »
    Nous qui voulons mettre nos pas dans les pas de Jésus, il nous faut sans cesse, comme Jésus, réorienter toute notre vie vers le Père et remettre sur le chantier l’esprit de service. Telle est la volonté de Dieu pour nous : c’est notre vraie nourriture.

    " Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas…"

    Pour les Juifs, le Temple, c’est le lieu sacré entre tous, le lieu que Dieu s’est choisi pour y habiter. La tentation consisterait pour Jésus de se servir de ce lieu pour attirer l’attention des gens sur lui-même, alors que toute sa vie est orientée vers son Père. Disons-le autrement, il se servirait de la puissance de Dieu pour le mettre à son service. Sa réponse : « Je refuse de me servir de Dieu à mes fins personnelles. » Rappelons-nous ce que Jésus dit après avoir fait des miracles : « Ne le dites à personne. » Il ne veut pas qu’on se trompe à son sujet. Il n’est pas le Messie tout-puissant que beaucoup attendaient. Sa seule puissance sera celle de l’esclave mis en croix pour témoigner de l’amour infini du Père.
    Ne rêvons-nous pas parfois d’une Église puissante comme elle l’a été autrefois ? Elle n’est vraiment Église que lorsqu’elle se fait servante et pauvre.

    " Tout cela je te le donnerai, si tu te prosternes et m’adores "

    Cette tentation est vraiment le détournement complet de la mission de Jésus. Cette mission consiste à orienter vers son Père la création tout entière, et, en son centre, le monde des hommes. Ce monde, Dieu le regarde d’un regard de bonté, comme il est dit au tout début de la Bible, dans le premier chapitre de la Genèse : « Et Dieu vit que cela était bon », et même, après la création de l’homme, « Cela était très bon ». Le tentateur, le menteur, voudrait faire croire que le monde est sous sa domination, la domination du mal. C’est vrai que le mal travaille dans ce monde, mais nous croyons que l’Esprit de Dieu y est à l’œuvre depuis toujours.
    Notre mission, à notre petite ou grande place, à la suite de Jésus et avec lui, c’est d’aimer ce monde comme Dieu l’aime, et de l’orienter vers lui.

    " Le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à lui seul que tu rendras un culte "

    Par trois fois, la réponse de Jésus au tentateur est de se tourner vers son Père. Rappelons-nous sa parole : « Vous ne pouvez servir deux maîtres ; Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent  ». la tentation d’aujourd’hui (et de toujours) consiste à faire de l’argent la source unique et exclusive du bonheur. Nous voyons chaque jour quels ravages ce culte de l’argent peut faire dans notre monde, quand on transforme un bon serviteur en mauvais maître.
    L’Eglise, c’est-à-dire nous, est fidèle au Christ quand elle rappelle, par ses paroles et surtout par ses actes, ce message qui est au cœur de l’Evangile.

    Joseph CHESSERON