• Logo
  • Sur la montagne de Galilée, la bourgade de Nazareth s’étire au soleil. Des bédouins accroupis fument le narguilé. L’odeur de café appesantit l’atmosphère. Un petit âne trottine sous un chargement d’oranges.

    D’un revers de la main, l’homme s’essuie le front, caresse une dernière fois le bois d’olivier façonné par ses grosses mains d’artisan ; puis dépose son ouvrage.

    Heurtant du pied le pavé inégal de la ruelle où joue une enfance insouciante, il descend vers le logis, creusé en partie dans la falaise de roche tendre.

    Joseph pousse la porte de guingois, se dit qu’après les festivités du mariage, il aurait le temps de la redresser ; puis timide et souriant, dépose un baiser sur le front de sa fiancée :

    Je vous salue Marie.

    Avant que la touffeur orientale ne pèse sur le jour, la jeune fille Marie saisit la cruche familiale, la pose sur sa tête, protégée par un coussinet, et descend à la fontaine villageoise.

    « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi. »

    Mais Dieu interrompt la jeune fille dans sa prière.

    Angelus Domini nuntiavit Mariae,

    Je vous salue Marie.

    Dès l’aurore, Marie se réveilla ; avec application mit du noir sur ses yeux ; rapidement se mit en route pour la Sainte Judée. L’Ancien Testament s’achevait pour une nouvelle alliance.

    Zacharie est prêtre de la tribu d’Abias. Le vieil homme quitte le village d’Aïn Kerim, pour aller prier au Temple de Yahvé, là-bas, sur la montagne de Sion. Le Temple de Jérusalem est merveille depuis qu’Hérode le Grand lui a rendu son antique splendeur.

    Quant à Elisabeth, épouse de Zacharie et future mère de Jean-Baptiste, elle vient s’asseoir à l’ombre du portail séculaire. Tout en récitant la « shema Israël », elle attend ; elle attend.

    Là-bas, sue le sentier qui escalade la colline, la jeune fille Marie chemine si petite à l’ombre des cyprès…

    Elisabeth se lève, met de l’ordre dans ses cheveux, prend la jeune mère dans ses bras :

    Je vous salue Marie.

    C’était, dit-on, au creux de l’hiver. Brillaient encore les lueurs prophétiques de l’Ancien Testament ; et, dans la nuit, l’étoile des bergers allait bientôt apparaître.

    Dans l’étable du caravansérail, une lampe à huile hésitait à éclairer l’évènement. La lumière attira l’attention de quelques bergers qui se trouvaient là, à la garde des troupeaux ; ils s’approchèrent ; les pauvres dans l’Evangile sont toujours les premiers !

    Un enfant portait sur ses épaules un agneau de l’année, le déposa là, près de l’homme qui semblait méditer ; - l’âne et le bœuf n’en revenaient pas - Le nouveau-né reposait sur la paille – C’était de la vraie paille ! - L’enfant berger ravi se tourna vers la mère :

    Je vous salue Marie.

    Elle pleurait sous un grand voile de lin – un grand voile bleu - un peu passé,
    ainsi l’évoquait le chantre de Notre-Dame de Chartres.

    Les gens disaient qu’elle avait vieilli. Elle était devenue la mère des douleurs.

    Elle était montée jusqu’au Calvaire ; car elle avait dit « oui », oui une fois pour toutes.

    Elle avait entendu le cri ; le cri qui ne s’éteindra dans aucune nuit, d’aucun temps ; le cri de son Fils mourant sur la croix : « Voici ta mère. »

    Mais aujourd’hui – au Royaume du Père - Marie est redevenue la Reine de beauté dans le ciel.

    Sainte Marie est redevenue la Mère de miséricorde, comme elle sera dans la suite des siècles.

    Je vous salue Marie

    Je suis entré dans l’église. Dans la chapelle de la Vierge, le soleil jouait avec le bleu du vitrail.

    Dehors il faisait froid, très froid. Aujourd’hui il fait froid dans le cœur des gens !

    De ses doigts de vieille, noueux comme des sarments, la femme égrenait son chapelet en bois d’olivier – de Nazareth ou de Bethléem.

    L’obscurité recueillie soulignait le murmure de sa prière – la prière qui a traversé le temps :

    Je vous salue Marie

    Père Joseph Guilbaud

    Lire les autres textes du Père Joseph GUILBAUD

    Voir les autres textes sur l’Assomption