• Logo
  • Homélie du 4 janvier 2023 - Messe à l’intention de Joseph RATZINGER - Benoît XVI

    Homélie du 4 janvier 2023 - Messe à l’intention de Joseph RATZINGER - Benoît XVI

    Donner un nom, c’est toujours offrir un patronage et même une destinée.

    Quand nous avons appris que Joseph Ratzinger porterait le nom de Benoît XVI, chacun a cherché à mieux connaître Benoît XV qui s’est employé à calmer les remous de la « crise moderniste », à inviter à lire la Bible et à donner un nouveau code de droit canonique à l’Église.

    Quand Jésus a appelé Simon « Pierre », il lui a conféré une nouvelle vocation. Il ne fut plus seulement « pécheur » comme son frère André, mais appelé à « être un roc », quelqu’un sur qui l’on compte.

    Entendre ce soir ce récit de l’appel de Pierre (Jn 1, 35-42), alors que nous nous souvenons du pape Benoît XVI, c’est évidemment entrer dans une même dynamique : savoir que, depuis Abraham (Gn 17, 5), Dieu pose son regard sur chacun de nos vies et nous donne une destinée nouvelle.

    Notre destin est unique, mais toujours dépendant de ce regard d’Amour de Dieu sur chacun de nous.

    Oui, ce regard de Jésus perçu dans l’Évangile change la vie de nombreuses personnes. André, Simon… Joseph Ratzinger… et chacun de nous sommes marqués par ce même regard aimant. Cependant, ne nous méprenons pas sur ce regard d’amour. Il ne signifie pas qu’il n’y a ni justice ni grâce. Dans son encyclique Spe Salvi (2007) dont vous avez un extrait (§ 46-47), je vous laisse apprécier la teneur théologique de ce pontife qui a cherché, tout au long de sa vie, à comprendre pour croire et croire pour comprendre.

    Benoît XVI a insisté ici, comme dans son ouvrage sur La mort et l’au-delà (publié 30 ans plus tôt, en 1977) que « le Jugement de Dieu est espérance, aussi bien parce qu’il est justice que parce qu’il est grâce. S’il était seulement grâce qui rend insignifiant tout ce qui est terrestre, Dieu resterait pour nous un débiteur de la réponse à la question concernant la justice – question décisive pour nous face à l’histoire et face à Dieu lui-même. S’il était pure justice, il ne pourrait être à la fin pour nous tous qu’un motif de peur. L’incarnation de Dieu dans le Christ a tellement lié l’une à l’autre – justice et grâce – que la justice est établie avec fermeté : nous attendons tous notre salut « dans la crainte de Dieu et en tremblant » (Ph 2, 12). Malgré cela, la grâce nous permet à tous d’espérer et d’aller pleins de confiance à la rencontre du Juge que nous connaissons comme notre « avocat » (parakletos) (cf. 1 Jn 2, 1) ».

    En ce sens, la 1ère lecture de ce jour s’éclaire : « quiconque ne pratique pas la justice n’est pas de Dieu, et pas davantage celui qui n’aime pas son frère » (1 Jn 3, 10). Ou, pour le dire avec un des si beaux psaumes de la Bible (84) : « Tu as aimé, Seigneur, cette terre (…) oublie ton ressentiment contre nous. Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. »

    Notre destinée commune : non pas la perfection, mais la sainteté

    Le Salut annoncé par Dieu ne nous appartient pas. Ce qu’il nous faut, aujourd’hui, c’est de tout faire pour demeurer fermes dans la foi telle que nous l’entendons dans le testament spirituel du pape émérite, mais aussi de Paul aux Colossiens : « Menez donc votre vie dans le Christ Jésus, le Seigneur, telle que vous l’avez reçue. Soyez enracinés, édifiés en lui, restez fermes dans la foi, comme on vous l’a enseigné ; soyez débordants d’action de grâce » (Col 2, 6-7)

    Restés enracinés en Dieu, c’est déjà chercher la sainteté. Rappelons-nous : Dieu seul est saint ! Et c’est parce qu’il se donne à nous, par le Fils et dans l’Esprit, que nous sommes sanctifiés. Autrement dit, il faut redire que la sainteté n’est pas le résultat d’une somme de bonnes actions décidées par les baptisés que nous sommes. La sainteté, c’est un don de Dieu qui seul est saint. Un don qu’il fait à tous, avec une seule condition : le laisser agir dans nos vies. Ainsi compris, la sainteté est une école où le combat spirituel entre le bien et le mal est premier.

    Ainsi, pour le pape comme pour chaque fidèle, ce combat est constant. Ainsi, personne ne peut dire qu’il est déjà « né de Dieu » et qu’il ne commet pas de péché. Gardons-nous donc de déclarer saint une personne au moment de sa mort. Imparfaits, nous le sommes tous. Joseph Ratzinger - Benoît XVI a pu, parfois manquer la cible de l’Amour. Il ne nous appartient pas d’en juger ici. Mais son combat pour la sainteté s’achève lors de sa rencontre devant Dieu. Comme il l’a écrit : « C’est la rencontre avec Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille sèche, vantardise vide et s’écrouler. Mais dans la souffrance de cette rencontre, où l’impur et le malsain de notre être nous apparaissent évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ et le battement de son cœur nous guérissent grâce à une transformation assurément douloureuse, comme « par le feu ».

    Ainsi donc, ce pape comme chacun de nous et comme celles et ceux qui ont suivi le Christ-Jésus sont façonnés par le regard qu’il porte sur chacun de nous. N’édifions pas notre foi sur les personnes que nous sommes : contemplons le Christ qui lui, ne cesse d’agir ! Là est une heureuse manière de rendre hommage au pape Benoît XVI. Ne tombons pas dans le piège de notre culture en cherchant un héros, affermissons notre foi en Celui qui ne cesse de poser sur nous son regard d’Amour. Amen.

    P. Julien DUPONT
    4 janvier 2023