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  • Homélie du 30 octobre 2022 -
    Messe paroissiale en l’église Notre-Dame
    Lc 19, 1-10
    « Aujourd’hui le Salut est entré dans cette maison »

    « Il surgira de la crise actuelle, une église qui aura beaucoup perdu. Elle deviendra petite et devra repartir plus ou moins des débuts… Avec la réduction de son nombre de fidèles, elle perdra aussi toute une part de privilèges sociaux. Elle sera pauvre et deviendra l’église des doux et des indigents. Ce sera un processus long, mais une fois tout ce travail fait, une grande force surgira de cette Église devenue plus spirituelle et plus simple. Alors, les hommes découvriront qu’ils habitent un monde d’indescriptible solitude et, ayant perdu la trace de Dieu, ils éprouveront toute l’horreur de leur pauvreté. C’est alors, et seulement alors, qu’ils considèreront ce petit troupeau de croyants, comme quelque chose de tout à fait neuf : il leur apparaîtra comme une espérance pour eux, la réponse qu’ils avaient toujours recherchée secrètement » (La Foi chrétienne hier et aujourd’hui)

    Ces quelques mots, écrits par Joseph RATZINGER en 1968, semblent être d’actualité. Non tant parce qu’ils décrivent une situation donnée… mais parce qu’ils offrent à nous autres une raison d’être. Oui, nous sommes pauvres. Mais là n’est pas l’essentiel. C’est que nous gardions la trace et le goût de Dieu dans le monde de ce temps… Car, nous le croyons, si Dieu s’est révélé au temps de Zachée, il continue de se manifester hic et nunc, ici et maintenant ! Et quelle est la bonne nouvelle entendue alors ? Cette bonne nouvelle qui leur a permis d’avancer et d’espérer dans un monde en crise ? « Aujourd’hui le Salut est entré dans cette maison ». Arrêtons-nous sur cette expression et cherchons ensemble à mieux saisir ce qu’elle signifie.

    « Aujourd’hui le Salut est entré dans cette maison »

    Avouons-le, le mot Salut n’est guère utilisé aujourd’hui. Il fait entrer dans toute une théologie du bien et du mal. Avec foi, nous reconnaissons que depuis les origines, le mal a une emprise sur l’humanité. Et quand la bonne nouvelle du Salut est proclamée, c’est une libération qu’il nous faut entendre. Oui, l’humanité n’est pas appelée à sa déchéance, mais au Salut, c’est-à-dire au fait de voir advenir la vie divine et ce, dès maintenant. J’insiste sur ce point. Oui, nous sommes marqués par le péché en « manquant la cible de l’Amour » pour reprendre cette expression de Xavier THÉVENOT. Mais, fondamentalement, cette expérience du mal n’a jamais le dernier mot. Zachée est malhonnête, la foule est malveillante sur l’action de Jésus. Mais l’expérience ne s’arrête pas là. Chacun est invité à ne plus lâcher prise au mal : Zachée, sans que Jésus lui demande, décide de changer son comportement et la foule se laisse interpeller par la Parole du Christ.

    « Aujourd’hui le Salut est entré dans cette maison  »

    Depuis le baptême nous sommes déjà entrés dans cette dynamique du Salut puisque Dieu nous libère de toute l’emprise du mal. Et à chaque fois que nous célébrons le sacrement de la réconciliation, nous vivons, tel que l’affirme Saint Augustin, « un second baptême » par les larmes qui coulent sur nous. Oui, dès à présent le Salut nous est offert. Don merveilleux du Seigneur, nous n’avons qu’à en vivre. Zachée, lui, le manifeste dans son engagement à une vie meilleure : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus ». À la suite du Christ, actes et paroles sont coordonnés. C’est ainsi que nous devons être exigeants. Non pas envers celles et ceux qui frappent à la porte de l’Église, mais envers chacun de nous. Car Dieu offre son Salut pour chacun… Et nous n’avons qu’à en faire l’expérience concrète. Zachée, le juste comme le signifie son prénom, nous indique la route. Mais l’urgence missionnaire exige que nous nous préoccupions de la manière dont notre vie est un engagement au service des autres et de Dieu, et plus au service de nous-même.

    « Aujourd’hui le Salut est entré dans cette maison »

    Ce Salut « entre » dans nos vies, généreusement offert pour chacun et pour tous. Dit autrement, par la vie du Christ-Jésus, Dieu s’abaisse pour venir nous chercher jusqu’aux tréfonds. Cet Évangile n’est pas l’histoire d’un petit homme qui cherche à grimper sur un arbre, comme nous cherchons à grimper l’échelle sociale, ou à nous élever grâce à nos egos… non ! Cette page d’Évangile nous donne de méditer sur Dieu qui, encore et toujours, s’abaisse et nous rejoint là où ne l’imaginons pas venir. Savez-vous que Jéricho est, selon la Tradition, la ville la plus basse au monde, en dessous de la mer ? Oui, même l’indication du lieu, dit quelque chose du Salut : il advient au cœur de nos errances, de nos tréfonds, des profondeurs de nos vies. Et là, Dieu y fait sa demeure et réenchante notre existence par son regard et une parole bienveillante.

    Bien sûr, notre monde contemporain est marqué par un individualisme exacerbé, où chacun va chercher son propre bonheur, dans l’immédiateté. Cette société de consommation semble être le seul horizon… Mais l’Évangile nous fait entrer dans une autre logique : une société de la rédemption, c’est-à-dire d’une autre vie possible dès ici-bas où :
     la première place n’est pas donnée au mal,
     nous sommes rendus capables du meilleur, par nos engagements concrets,
     Dieu s’abaisse et ainsi réenchante notre existence par sa bienveillance.

    Mes amis, derrière ce vocabulaire théologique, il nous faut réentendre l’appel de Dieu pour un monde meilleur possible dès ici-bas. Plutôt que de critiquer le monde et l’Église en n’ayant nos yeux rivés que sur le rétroviseur du passé, regardons droit devant : vivons et annonçons ce Salut, à tous ! Oui, l’Église n’est pas faite pour des bien-portants qui s’arrogeraient le droit de rester entre eux en se donnant des codes, des normes et des habitudes de vie d’une minorité. Nous sommes cette Église qui garde la trace et le goût de Dieu dans le monde de ce temps…

    En ce sens, je me réjouis de toutes les initiatives qui permettent d’annoncer le Salut aujourd’hui. Permettez-moi d’en citer quelques-unes ici : l’accueil des divorcés-remariés ou des personnes homosexuelles et de leurs familles. Les engagements concrets de nombreux chrétiens au service des plus fragiles : dans les hôpitaux, auprès des pauvres et des exclus. Les conférences au service d’une intelligence et du bien commun. L’attention de l’Église à celles et ceux qui frappent à notre porte à l’occasion d’un deuil… Tant de manières d’annoncer le Salut en reconnaissant la dignité de chacun et ainsi d’être « sel de la terre ».

    Oui, laisse le regard bienveillant de Dieu se poser sur ta vie et engage-toi pour un monde meilleur, où le mal n’a plus prise. Alors tu verras déjà sur cette terre le Salut de Dieu se manifester en attendant de le contempler pour toujours au ciel. Amen.

    P Julien DUPONT