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  • Mettons-nous à l’écoute des textes de cette fête de l’Épiphanie.
    Qu’y a-t-il de commun entre le texte d’Isaïe, la lettre aux Éphésiens et l’Évangile selon Matthieu ?
    La lecture attentive va nous aider à le découvrir ou, plus sûrement, à nous en faire souvenir. Mon but n’est pas d’étaler ma science, mais de faire que notre foi commune s’approfondisse.

    Isaïe s’adresse aux Juifs de son époque pour leur rappeler que, si Dieu les a choisis, ce n’est pas pour eux-mêmes mais pour toutes les familles de la terre : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » La mission de Jérusalem, prise au sens spirituel comme à la fin de l’Apocalypse, et, avec elle, le peuple d’Israël, est de rassembler toute l’humanité pour le Seigneur.

    Paul écrit à des chrétiens qui sont d’origine à la fois juive et païenne, c’est-à-dire non juive :
    « Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »
    Autrement dit, il n’y a plus qu’un seul Peuple, un seul Corps, le Corps du Christ dont chaque baptisé est membre.

    Matthieu, qui s’adresse à des communautés chrétiennes d’origine juive, dit la même chose par un récit :
    « Des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : " Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? »
    Ils représentent toutes les nations qui sont sur la terre, où l’Esprit de Dieu travaille déjà, et qui sont appelées, elles aussi, à être membres du Peuple de Dieu. Ce texte que nous connaissons bien comporte bien d’autres messages, mais le principal, c’est bien que cet enfant soit reconnu comme

    le Sauveur de l’humanité tout entière.

    Les trois auteurs, Isaïe, Paul et Matthieu, font partie du peuple d’Israël et leur message est le même : Dieu a choisi ce peuple, le peuple d’Israël, non pour y rester, pour s’y enfermer, mais comme porte d’entrée dans l’histoire de toute l’humanité. Restons sur la comparaison de la porte :
    Jésus lui-même dit dans l’Evangile selon Jean :
    « Je suis la Porte des brebis » et il ajoute ; « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos et celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau et un seul berger. »

    Le sens de cette fête de l’Epiphanie, c’est, d’abord et avant tout, que l’amour de Dieu est offert à tous, sans distinction. Le fait d’être déjà chrétien (et sans doute depuis longtemps, personnellement et dans notre famille) ne nous donne aucun privilège. Rappelons-nous la parabole des ouvriers de la 11ème heure. Je crois qu’une des grandes tentations de certains chrétiens pratiquants, et en particulier des clercs, c’est de vouloir se distinguer des autres pour affirmer leur identité. J’ai bien peur que cette recherche d’identité soit le signe d’un sentiment d’insécurité que l’on défend par des signes extérieurs.

    Mais parlons-en, de notre identité, puisqu’il en est beaucoup question y compris au plan civil. Qu’est-ce que ça veut dire « identité » ? A mon avis ce n’est pas ce qui me différencie des autres. C’est ce qui fait ce que je suis. Je peux l’avoir en commun avec beaucoup d’hommes et de femmes. Cela ne me gêne pas, au contraire. J’ai en commun avec environ 700.000 personnes d’être poitevin, dans ce Seuil du Poitou, lieu de passage et de brassage ; cela entre-t-il en concurrence avec le fait d’être français comme soixante sept millions d’êtres humains, dans cette France qui est, depuis des millénaires, un haut lieu du « mixage » des peuples ? Cela dépend-il de moi que je sois français plutôt que malais, russe, bantou, japonais, amérindien ou quelqu’un des 6 à 7 milliards d’habitants de la planète (être né quelque part…) ?

    Ce qui fait ce que je suis, tout à la fois comme humain et comme chrétien, c’est la capacité qui m’est donnée d’entrer en relation, puisque je suis le fruit d’une relation. J’ai cela en commun avec tous les hommes, c’est notre marque de fabrique, nous la portons dans nos gènes. En quoi cela gêne-t-il que les autres hommes aient cette même capacité ? La question est de savoir ce que je vais en faire ; comment vais-je me construire en accueillant et en donnant ? Je me définis moins par rapport à un passé, dont j’ai cependant conscience et où je plonge mes racines, que par rapport à un projet, à un avenir.

    Est-ce que je suis loin de la fête de l’Épiphanie ? Certainement pas !
    C’est la fête de Dieu qui, en Jésus Christ, veut entrer en relation avec toute l’humanité.
    Être chrétien, c’est vouloir prendre notre part à cette action de Dieu, pour se sentir frère et sœur de tout être humain, sans distinction, de race, de sexe, d’âge, de condition sociale. Notre identité, au lieu de bâtir des murs, c’est de faire tomber les barrières entre les êtres humains, pour créer des liens. C’est notre projet, notre avenir, cet avenir que nous recevons de Dieu seul.

    En ce début d’année, demandons-lui d’élargir notre cœur aux dimensions de monde, sans oublier que cet élargissement commence ici et maintenant, à notre porte.

    Joseph Chesseron