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  • Editorial de Jacques Bréchoire

    Aimer le monde

    Je pense que la conférence du mardi 13 janvier 2015 restera dans notre mémoire, notre mémoire personnelle, et celle de la Paroisse Saint-Junien. Comme je le disais en introduction, c’est un acte politique tout à fait authentique que nous avons posé en participant à cette rencontre au Metullum de Melle, en vue de mieux connaître et mieux soutenir nos frères catholiques d’Orient.

    Comme a écrit Jean-Claude Petit, sans les chrétiens d’Orient, « notre monde ne serait pas ce qu’il est… Eux ce sont les chrétiens d’Orient, plus précisément encore, les chrétiens du Moyen-Orient, arabes dans leur grande majorité et souvent encore méconnus, voire même ignorés des chrétiens occidentaux ».

    Il ajoute : « Pour bien comprendre la situation des chrétiens du Moyen-Orient, il est important de savoir qu’ils vivent, depuis quinze siècles avec les Arabes musulmans. « Même si ces quinze siècles n’ont pas été sans heurts, avec des hauts et des bas, explique Mgr Lahlam, évêque d’Amann en Jordanie, il est aussi vrai qu’une si large co-existence a forgé, chez les uns et les autres, la conviction que l’autre (chrétien ou musulman), constitue une partie intégrante de sa propre histoire et de sa propre culture… »

    Cela vaut aussi, ici, dans notre pays. Les événements récents nous l’ont amèrement rappelé : ici aussi il y a à faire effort pour l’établissement d’une large co-existence entre nous (musulmans, juifs, chrétiens, laïques). De plus, tout le monde n’a pas défilé en ce fameux dimanche 11 janvier !

    Nous avons certes à nous protéger des violents de ce monde par la force. Mais mieux encore et d’abord, nous protéger en éduquant. Nous avons été frappés, à cette conférence, par le rôle culturel et éducateur des chrétiens d’Orient au sein de leur société mêlée. Or, ici comme là-bas, il faut éduquer, et précisément enseigner le fait religieux aux enfants et aux jeunes scolarisés, aussi bien dans les écoles publiques que privées. Nous voyons ce que cela donne, de faire l’impasse sur l’enseignement des religions. Nous avons à enseigner les comportements respectueux envers ceux qui ne croient pas et ne vivent pas comme nous. Nous avons à entrer – sans effraction – dans l’identité des autres, afin que « les autres » soient reconnus tels qu’ils sont « eux » par « nous ».

    Il est possible de faire du « nous », de l’entre-nous ». Hannah Arendt, une philosophe juive allemande, du siècle dernier, exilée aux Etats Unis, a compris que même après la Shoa, il était possible d’aimer le Monde : Elle parle de l’amor mundi (l’amour du monde) comme d’une attitude politique, l’attitude la plus belle qui soit, selon elle. Elle a écrit : « Tous ceux qui aiment le monde sont appelés « monde ». Le monde, donc, ce sont ceux qui aiment le monde ». L’amour du monde et l’amitié politique sont la base de toute vie en commun. Ils constituent « le mode primitif d’existence ».

    Et si nous mettions à profit ce long temps du Carême qui va débuter dans ce mois, pour voir, devant Dieu, si nous aimons « tout le monde ».

    Le monde est « commun » ou il n’est pas.


    « Ensemble, dans le monde, à toutes les latitudes, les chrétiens peuvent former un réseau de disciples de Jésus qui ne veulent pas gaspiller son don de la paix. Personnes qui prient pour la paix ; qui s’ingénient à réaliser la paix entre les hommes ; qui communiquent l’Evangile qui est notre paix. Parce que, toujours plus, dans un monde de collisions de civilisations, dans un univers marqué par des luttes religieuses, dans des sociétés empoisonnées par des passions, être chrétien signifiera être pacifique, être médiateur et messager de paix » (Andrea Riccardi, fondateur à Rome de la communauté San’Egidio. L’étonnante modernité du christianisme, Presses de la Renaissance, 2005, p. 280).
    C’est la seule condition pour qu’il y ait « monde commun « et la paix.